Marius a écrit:Vi ! Une expérience de plus cela ne fait pas de mal.
Chose promise, chose due !
Une étoile filante qui planeSamedi 17 juillet 2010. Après une nuit nuageuse ayant entraînée le report d'une soirée d'observation la veille, le beau temps estival est enfin de retour à Soissons. Et cela tombe très bien, car je participe à la soirée d'observation organisée par l'Association Astronomique du Soissonnais au camping municipal. Celui-ci, coincé entre l'écluse de Vauxrot, la piscine et le parc Saint-Crépin, n'est pas vraiment l'endroit idéal pour un astronome (présence d'arbres et d'une forte pollution lumineuse), mais qu'importe, le but était d'animer le camping et de faire découvrir la Lune et Saturne aux vacanciers. Et nous avons mis les petits plats dans les grands : pas moins de 5 instruments mis à la disposition du public !
La soirée débute à 21h30. Le gros croissant de Lune est là, fleurtant avec la cime des arbres. Oh que nous avons bien fait de reporter la soirée de la veille : hier, la Lune était plus basse, et n'aurait pu être visible. Au moins ce soir la voyons nous. Mais cela n'est guère encourageant pour les planètes Mars et Saturne, encore invisibles à l'oeil nu. Elles sont proches de la Lune, ce qui signifie qu'elles vont elles aussi bientôt disparaître derrière les frondaisons du parc St-Crépin. Si nous voulons observer la planète aux anneaux, il va falloir que le crépuscule s'avance le plus rapidement possible.
Le public est très européen : très peu de Français, mais beaucoup de touristes belges, néerlandais, italiens et allemands. Cela n'est pas toujours simple pour communiquer : parmi les animateurs, je suis pratiquement le seul à savoir parler anglais. Heureusement, le président se débrouille en allemand. Au cours de la soirée, j'aurai même l'occasion de sympathiser avec un touriste suisse de Lausanne, voulant absolument voir la constellation de Pégase.

Mais la barrière des langues n'est guère un problème : les gens comprennent ce qu'on observe. « Ooh, der Mond ! » « Yes, it's the Moon ! ». Les gens sont visiblement ravis de pouvoir admirer en gros plan les cratères de la Lune.
Vers 22h15, un petit point fait son apparition à l'oeil nu à droite de la Lune. Visuellement, il n'a l'air de rien, mais il s'agit de la plus belle des planètes : Saturne.
« What is it ? » me demande-t-on. « Look, it's a surprise », réponds-je.
S'il y a bien un mot universel, que ce soit en anglais, allemand, néerlandais ou en français, c'est bien « Woooow ! » suivi d'un grand sourire. La planète Saturne, qui est peut-être l'incarnation d'une quelconque divinité de la beauté, fait toujours son petit effet.
La suite de la soirée se déroule impeccablement. Malgré la présence de la pollution lumineuse, les constellations se dessinent, et nous pouvons cibler des objets du ciel profond. Les discussions vont bon train, même si ce n'est pas toujours facile, langues étrangères oblige.
Vers 23h00, il fait nuit noire. Je lève le nez au ciel, attiré automatiquement par un petit point se déplaçant très rapidement (plus vite qu'un satellite) dans la constellation du Cygne. D'Albiréo à Deneb, le point se déplace en ligne droite, avec semble-t-il une petite traînée derrière, mais peu visible. Héhé ! J'identifie automatiquement l'objet : un petit météore lent, sans vraiment de traînée visible. Cela arrive de temps en temps. Celui-ci étant particulièrement lent, je me permet même dans la seconde qui suit de lancer à la foule : « Hé, regardez, une étoile filante ! ». Mais c'est presque inutile, car je vois autour de moi, en un coup d'oeil, plusieurs personnes le nez en l'air, visiblement en train de regarder l'objet.

Retour sur le météore : je m'attends à le voir s'évanouir dans la constellation du Lézard ou de Céphée. Mais au moment où il devrait normalement disparaître, il continue à filer... en commençant à effectuer une boucle dans le sens anti-horaire ! Que ?!!
Aujourd'hui encore, j'entend aussitôt le président du club dire : « Mais que... Qu'est ce que c'est que ça ? ».
J'en suis quitte pour mon identification de météore. Le « truc » termine une belle boucle dans le ciel, repasse presque au-dessus de nous, puis file silencieusement vers les grands arbres de l'écluse de Vauxrot. L'observation dure à peine une bonne dizaine de secondes, mais je reste là, fasciné et presque « apeuré » : qu'est ce c'est que c'est que ce machin (comme le dirait tout bon Soissonnais de souche;) ) qui tournoie ainsi dans le ciel ? En douze ans d'astronomie, je n'ai jamais vu ça !
J'ai alors un réflexe qui va avoir de l'importance dans la suite de l'histoire : j'ai dans ma main droite mon laser vert, un dispositif traçant un joli trait vert sur une longueur de 3 km, très pratique pour montrer une étoile en particulier aux novices. Plus par curiosité que pour montrer le « truc » aux gens qui ne l'auraient pas encore vu, je braque mon rayon sur l'intrus. Et comme je m'y attendais fortement, je vois le faisceau laser se refléter sur l'objet, sous la forme d'une belle tache verdâtre bien marquée.
Tiens, tiens ! Cela signifie que le « truc » est à portée de rayon, et donc tout proche, vu qu'il reflète très bien mon laser.

Quelques secondes plus tard, le « truc » disparaît dans ou derrière les arbres de l'écluse.
Mon cerveau ne fait qu'un tour : me revient aussitôt en mémoire un message de Thierry Legault sur le forum Webastro, décrivant un envol de canards au-dessus d'un village éclairé.
« Qu'est ce que c'était que ça ? » demandent plusieurs personnes.
« C'était très probablement un oiseau », dis-je aussitôt, le sourire aux lèvres. Le vil debunker a encore frappé !

Et oui, la piste aviaire ne fait visiblement aucun doute : l'objet était silencieux, planait en effectuant des boucles, était tout proche (quelques dizaines de mètres tout au plus), et s'est posé dans des arbres. Le fait que nous étions plusieurs astronomes à ne pas avoir reconnu aussitôt un oiseau est compréhensible : nous effectuons nos soirées d'observation en campagne, fuyant toute pollution lumineuse. Or, là, pour la première fois depuis des années, nous observons au cœur d'une ville, avec la présence de gros lampadaires aux alentours (piscine municipale, verrerie de Vauxrot, etc). Voilà pourquoi l'animal volant était lumineux !
Ajoutons à cela que l'endroit où l'objet « mystérieux » a disparu est fréquenté par de nombreux oiseaux...
Voilà qui aurait pu constituer ma deuxième observation d'OVNI, si je n'avais su trouver une piste explicative plus que probable dans les instants qui ont suivi l'observation. La clef du mystère tenait à la présence de mon laser vert, grâce auquel j'ai pu en déduire que l'objet observé était vraiment très proche. Car visuellement, il était impossible de savoir si l'objet était à quelque mètres ou en plein ciel, faute de repère oblige !
Cette soirée mémorable a eu l'honneur d'un article du journal
L'Union, où on ne parle pas de l'observation insolite, le journaliste étant reparti avant : http://www.lunion.presse.fr/article/autres-actus/association-astronomique-du-soissonnais-le-camping-sous-les-belles-etoiles
(hé oui, je suis désolé, mais c'est encore moi et mon gros télescope qui sont en photo !:lol : )