L'allemand prononce le "y" "u".
La lettre latine u est issue de l'upsilon grec Υ, υ. Cette lettre provient elle-même de la consonne phénicienne wau qui avait une forme identique à l'upsilon capitale. Le nom de la lettre phénicienne voulait dire « clou, cheville ». Or la forme protosinaïque antérieure avait la forme d'une hampe médiane, surmontée d'un cercle ou d'une tête. Il s'agit incontestablement d'un clou servant à fermer, clore les portes. Clou, clé, clavier, clore ou clausule sont de la même famille en latin. On employait les clous dans un système élémentaire de fermeture.
Le nom de la lettre grec signifie u ténu ou menu. C'est un nom composé grec comme oméga, omicron, digamma, et non d'un calque du nom sémitique. Il s'agit d'un u bref, fermé. De la même manière, l'epsilon ε était un é fermé, bref, qui s'opposait au êta η, ê long, ouvert. Le nom grec indique pourquoi le u phonème /y/ est passé à /i/ en grec avant la fin de l'ère chrétienne, sa brièveté l'a poussé vers la voyelle antérieure, non arrondie.
L'upsilon perd sa hampe en étrusque dès le XIIe s. Il conserve une barre verticale médiane en picénien, dans la civilisation de Novilara, mais les graphies étrusque, osque, ombrienne sont déjà celles d'un V. On ne considère que la lettre capitale car la minuscule n'apparaît que bien plus tard avec l'écriture dite caroline au VIIIe s. après Jésus-Christ sous l'influence du grec qui était passé à une écriture bicamérale ou avec distinction entre les capitales et les minuscules. Les Romains ne connaissent que les lettres suivantes : A, B, C (inventé à partir de gamma Γ, G), D, E, F (du digamma grec Ϝ), G (gamma avec barre), H (êta grec), I, K (lettre marginale utilisée dans les abréviations), M, N, O (de omicron et non de oméga), P, Q (de qoppa Ϟ, utilisée seulement pour noter la consonne kw dans le digramme qu), R, S, T, V. L'alphabet comprenait donc 21 lettres seulement.
L'upsilon revient après la conquête romaine de la Grèce sous la forme du i grec, Y. Il intervient dans les mots empruntés au grec comme lyra, prononcé /lyra/ ou /lira/ selon la mode. On le trouve encore dans des noms grecquisés comme Sulla, Sylla. C'est pour les Latins une lettre étrangère, tout comme le X issu de khi Χ, χ mais qui reçoit aussi les valeurs de xi Ξ, ξ, et Z issu de dzêta Z, ζ. Les trois lettres d'apparence grecque ont donc été rejetées à la fin de l'alphabet et y sont restées. Toutefois, le V a longtemps été la dernière lettre latine.
Les Romains ne connaissaient qu'une semi-consonne /w/ que notait ce V. Cependant, à partir du Ier s. après Jésus-Christ, ce phonème se modifie selon sa position dans le mot et son accentuation. On suppose que les Gaulois possédaient une voyelle /y/ (ü) identique à celle du grec ancien et différente de /u/ (ou). De même, ils ne pouvaient prononcer la semi-consonne /w/, ce qui va entraîner une consonnification en /v/ ou bien une vocalisation en /y/, voire en /u/. Plus tard, les emprunts germaniques avec un /w/ subiront une mutation vers l'occlusive /g/ : allemand Wehr, anglais war, français guerre, italien guerra. On peut voir l'instabilité du phonème dans l'anglais contemporain guard qui est issu du français : le mot français vient du verbe germanique *wardjan, mais il y avait deux réalisations différentes une en français /gard/ et une en anglo-normand /ward/ ce qui a donné cette graphie hybride.
L'empereur Claude proposera une réforme sans lendemain pour distinguer le v consonne et le /u/, le /y/ voyelles.
L'apparition d'une minuscule u n'a pas été perçue pendant plusieurs siècles comme la notation d'un phonème différente de celle de /v/. Enfin Ramus vient ! Il propose dans sa Gramere de distinguer la voyelle u en employant la minuscule et en lui donnant une capitale U de la consonne V qui reçoit aussi une minuscule v imitée de la capitale. Jusqu'alors, c'était une seule lettre, u étant seulement un v rond employé le plus souvent en minuscule de manière indistincte. Il proposa aussi de réserver le i à la voyelle et le i long ou j à la consonne, y conservant les valeurs du i voyelle – mais non sans erreurs comme dans hyacinthe devenue jacinthe.
En fait, les lettres ramistes mettront du temps à s'imposer. À la Renaissance et à l'époque classique encore, on emploie le u de préférence à l'intérieur et à la fin d'un mot, le v en début de mot, par exemple vue, mais aussi vne. Il convient de noter que des réformateurs de l'orthographe comme Jacques Péletier du Mans dans son Dialogue de l'orthographe (1549) et Louis Meigret dans son Traite touchant le commun vsage de l'escriture francoise (1542) ne faisaient pas cette différence alors qu'ils proposaient d'autres innovations. Ce n'est que dans la quatrième édition du dictionnaire de l'Académie, en 1762, que les deux lettres sont séparées. L'alphabet comprend alors 25 lettres avec les entrées du i, du j, du u et du v. L'alphabet était de 22 lettres à la Renaissance pour Robert Estienne qui donnait dans sa Grammaire francoise : A, B, C, D, E, F, G , H, I, L, M, N, O, P, Q, R, S, T, U, Y, Z. Le k n'était pas considéré comme français et les mots avec cette graphie seront peu à peu éliminé, le premier à revenir étant kiosque à la fin du XVIIe s.
25 lettres car le w ne constitue une entrée particiulière et une lettre à part entière qu'à partir de 1964 dans le dictionnaire de Robert ou Grand Robert. Or cette lettre était apparue en français dans les manuscrits lorrains, picards, wallons, anglo-normands du Moyen Âge pour noter la semi-consonne /w/. Elle était elle-même issue d'une ligature de deux v ; on l'a longtemps écrite à l'aide des caractères vv à la suite ou uv.
Une ligature identique a été inventée par les Récollets français au XVIe s. pour noter le /w/ des Hurons. Elle était constituée d'un omicron surmonté d'un upsilon, ce qui donnait un 8 ouvert en haut. Elle figure dans le trésor de la cathédrale de Chartres.
Si nous résumons, l'histoire du u en français, cela nous donne donc quatre lettres issues de l'upsilon : u, v, w, y. C'est la lettre la plus productive.