Imagine-t-on qu'après être née sous l'antiquité, l'ufologie fut très vivace au milieu du XVIème siècle? C'est pourtant ce qui s'est passé en admettant que l'ufologie est l'étude des mystérieux phénomènes célestes, et déborde parfois sur les phénomènes paranormaux. La différence avec l'antiquité est qu'à cette époque les mystérieux phénomènes, les prodiges, n'étaient pas censés être provoqués par des extraterrestres au sens moderne, mais par les dieux, et qu'au XVIème siècle, ils étaient censés l'être par la volonté de Dieu, ou les maléfices des démons.
Beaucoup de phénomènes étaient réputés prodigieux, en ce temps là, et même des phénomènes connus pouvaient être de mauvais augure (chez les romains, un vol de corbeaux suffisait)
Ainsi les comètes, qui étaient identifiées comme des phénomènes célestes temporaires et imprévisibles, n'étaient pas considérés comme des prodiges, mais elles l'étaient comme des présages
Au sujet des comètes, une séparation se fait dès 1532, entre les astronomes et les prodigiologues.
Cette année la, Petrus Apianus publie Ein Bericht der Kurtzer Observation unnd urtels des Jüngst erschinnen Cometen, qui se consacre à l'étude de l'orbite d'une comète, alors que Camerarius publie De Ostentis (des présages), qui parle aussi des comètes, mais comme présages de calamités.
A la suite d'Apianus les ouvrages de cométographie purement astronomique vont se révéler peu nombreux: à peu près un par siècle.
Ceux de cométographie historique sont un peu plus nombreux, et apparaissent en 1549, avec Antoine Mizaud.
Mais en pratique, les catalogues de comètes de l'époque ne se limitèrent pas à faire de l'histoire, ils ajoutèrent à chaque description de comète, la liste des calamités qui suivirent son passage. Ce furent des ouvrages de cométographie prodigioloqique.
Surtout, étant dépourvus de tout esprit critique, leurs auteurs ne vérifiaient pas leurs sources, et se recopiaient les uns les autres, ce qui polluait leurs catalogues de confusions, voire d'inventions.
Ainsi, à propos d'une comète prétendument observée en 410 avant notre ère, Lubienietski copie Riccioli qui copie Praetorius qui copie Aretius, qui prétend avoir copié Sénèque, ce qui est faux.
Pire, en 1579 Georgius Caesius publie un catalogue de comètes, qui pour la période avant notre ère, contient pas moins de 13 comètes froidement inventées. Il va même juqsu'à inventer une comète autoréfutable, c'est à dire une comète dont il ne pouvait pas avoir eu connaissance: Une comète avant le déluge universel, donc dont tous les témoins avaient disparu. Et ça marche! il va tromper ainsi Abraham Rockenbach (qui trompait ses lecteurs sur ses sources), David Herlitz, Conrad Dieterich, Heinrich Eckstorm, Johannes Hévélius, Stanislas Lubienietski, Johann Jacob Wagner, Johann Zahn, William Whiston (qui trompa Newton), François Hemsterhuis (pour qui les indices de fausseté prouvaient que la comète était vraie) , le peintre John Martin et Velikovsky (qui en trompa bien d'autres)
Enfin les prodiges proprement dit, fortuits, brefs et physiquement inexplicables ont fait le bonheur des prodigiologues, qui furent surtout des théologiens persuadés de la proximité de la fin du monde. Ce furent les ancêtres de nos ufologues.
On voit ainsi Polydore Virgile initier cette mode en 1544, avec De prodigiis, puis en 1552, Conrad Lycosthènes publier une reconstitution du livre des prodiges de Julius Obsequens, en même temps qu'à Augsbourg apparait un splendide manuscrit bourré d'illustrations à la gouache de prodiges survenus depuis l'antiquité (mais sans sources indiquées).
Et les ouvrages vont se succéder rapidement.
En 1553 Kaspar Peucer publie Commentarius de praecipuis divinationum, qui contient un livre - De Meteorologia, consacré aux présages annoncés par les phénomènes aériens et célestes.
En 1555 Marcus Fritschius publie - Catalogus prodigiorum
En 1557 Lycosthènes publie son fameux prodigiorum ac ostentorum chronicon, compilant des prodiges depuis le déluge, jusqu'à son époque. Il est en latin.
La même année Caspar Goltwurm publie - Wunderwerk und Wunderzeichen Buch, autre ouvrage de prodiges, mais en allemand.
En 1560 Pierre Boaistuau - Histoires prodigieuses. Le premier ouvrage en français. Il est repris par Ambroise Paré
Bien entendu Les prodigiologues n'ont pas plus d'esprit critique que les cométographes. Si la mauvaise foi d'un Johann Wolf, auteur en 1600 de lectionum memorabilium et reconditarum, est écoeurante, la naïveté d'un Simon Goulart, attribuant 63 ans de calamités à la fausse comète de 1527, fait peine à voir.
Ainsi, pour ce qui est de la rouerie, du mensonge, de l'ignorance, de la naïveté et de la négligence, les ufologues d'aujourd'hui n'ont vraiment rien inventé.
Mieux: les ufologues du XVIème siècle avaient parfois produit un travail colossal, sans internet et à la plume d'oie. il suffit de voir l'ouvrage de Lycosthènes.
Ils avaient aussi publié des illustrations autrement plus belles que celles qui parsèment les ouvrages d'ufologie, comme celle ci, tirée de Das Augsburger Wunderzeichenbuch (1552)
La légende, peu lisible, prétend que c'est une comète, mais l'aspect fait plutôt penser à un bolide.
Nous ne trouvons pas de façon sûre l'équivalent chez Lycosthènes, mais il y a des prodiges qui sont mentionnés simultanément par les deux sources, ainsi ce prodige de 1545. Voici l'image de Das Augsburger Wunderzeichenbuch
Et voici celle donnée par Lycosthenes.
Evidemment, pour comprendre ce qui s'est passé, c'est une autre histoire. Ayant observé personnellement un groupe de nuages, qui évoquaient une troupe de cavaliers célestes, je sais que certaines gravures de Lycosthènes s'expliquent ainsi.
on sait aussi que la fameuse comète dAmbroise Paré était en fait une aurore boréale
Et le sachant, l'illustration parue dans Das Augsburger Wunderzeichenbuch, est belle, mais fantaisiste
On sait aussi que certaine descriptions de combat de chevaliers célestes en 1615, par un témoin trop imaginatif, et probablement myope, était aussi une aurore boréale, puisqu'on en a une description plus précise faite par un savant de l'époque.
Donc le caractère extraordinaire ne prouve rien. Surtout, il faut se rappeler que les dessins n'ont pas été exécutés par des témoins, mais d'après les descriptions. Et on se doute qu'entre la description des témoins, et celles données par Lycosthènes, il y a pu avoir plusieurs intermédiaires.
D'autre part, les dates sont souvent erronées. Lycosthènes se trompe souvent de trois ans, parfois même de quatre siècles (il travaillait avec difficulté après une hémiplégie). L'auteur anonyme des gouaches de Das Augsburger Wunderzeichenbuch, se trompe aussi, en plàcant le cas de Spolète en 73 avant notre ère, au lieu de 91 avant notre ère.
Pour ce qui est de l'exactitude, les ufologues du XVIème siècle, ne faisaient donc ni mieux, ni pire que ceux de notre époque. Mais quand on voit certains de leurs ouvrages, il faut reconnaitre qu'ils faisaient mieux réver.
Et sur ce plan, feu Jimmy Guieu pouvait aller se rhabiller.
Beaucoup de phénomènes étaient réputés prodigieux, en ce temps là, et même des phénomènes connus pouvaient être de mauvais augure (chez les romains, un vol de corbeaux suffisait)
Ainsi les comètes, qui étaient identifiées comme des phénomènes célestes temporaires et imprévisibles, n'étaient pas considérés comme des prodiges, mais elles l'étaient comme des présages
Au sujet des comètes, une séparation se fait dès 1532, entre les astronomes et les prodigiologues.
Cette année la, Petrus Apianus publie Ein Bericht der Kurtzer Observation unnd urtels des Jüngst erschinnen Cometen, qui se consacre à l'étude de l'orbite d'une comète, alors que Camerarius publie De Ostentis (des présages), qui parle aussi des comètes, mais comme présages de calamités.
A la suite d'Apianus les ouvrages de cométographie purement astronomique vont se révéler peu nombreux: à peu près un par siècle.
Ceux de cométographie historique sont un peu plus nombreux, et apparaissent en 1549, avec Antoine Mizaud.
Mais en pratique, les catalogues de comètes de l'époque ne se limitèrent pas à faire de l'histoire, ils ajoutèrent à chaque description de comète, la liste des calamités qui suivirent son passage. Ce furent des ouvrages de cométographie prodigioloqique.
Surtout, étant dépourvus de tout esprit critique, leurs auteurs ne vérifiaient pas leurs sources, et se recopiaient les uns les autres, ce qui polluait leurs catalogues de confusions, voire d'inventions.
Ainsi, à propos d'une comète prétendument observée en 410 avant notre ère, Lubienietski copie Riccioli qui copie Praetorius qui copie Aretius, qui prétend avoir copié Sénèque, ce qui est faux.
Pire, en 1579 Georgius Caesius publie un catalogue de comètes, qui pour la période avant notre ère, contient pas moins de 13 comètes froidement inventées. Il va même juqsu'à inventer une comète autoréfutable, c'est à dire une comète dont il ne pouvait pas avoir eu connaissance: Une comète avant le déluge universel, donc dont tous les témoins avaient disparu. Et ça marche! il va tromper ainsi Abraham Rockenbach (qui trompait ses lecteurs sur ses sources), David Herlitz, Conrad Dieterich, Heinrich Eckstorm, Johannes Hévélius, Stanislas Lubienietski, Johann Jacob Wagner, Johann Zahn, William Whiston (qui trompa Newton), François Hemsterhuis (pour qui les indices de fausseté prouvaient que la comète était vraie) , le peintre John Martin et Velikovsky (qui en trompa bien d'autres)
Enfin les prodiges proprement dit, fortuits, brefs et physiquement inexplicables ont fait le bonheur des prodigiologues, qui furent surtout des théologiens persuadés de la proximité de la fin du monde. Ce furent les ancêtres de nos ufologues.
On voit ainsi Polydore Virgile initier cette mode en 1544, avec De prodigiis, puis en 1552, Conrad Lycosthènes publier une reconstitution du livre des prodiges de Julius Obsequens, en même temps qu'à Augsbourg apparait un splendide manuscrit bourré d'illustrations à la gouache de prodiges survenus depuis l'antiquité (mais sans sources indiquées).
Et les ouvrages vont se succéder rapidement.
En 1553 Kaspar Peucer publie Commentarius de praecipuis divinationum, qui contient un livre - De Meteorologia, consacré aux présages annoncés par les phénomènes aériens et célestes.
En 1555 Marcus Fritschius publie - Catalogus prodigiorum
En 1557 Lycosthènes publie son fameux prodigiorum ac ostentorum chronicon, compilant des prodiges depuis le déluge, jusqu'à son époque. Il est en latin.
La même année Caspar Goltwurm publie - Wunderwerk und Wunderzeichen Buch, autre ouvrage de prodiges, mais en allemand.
En 1560 Pierre Boaistuau - Histoires prodigieuses. Le premier ouvrage en français. Il est repris par Ambroise Paré
Bien entendu Les prodigiologues n'ont pas plus d'esprit critique que les cométographes. Si la mauvaise foi d'un Johann Wolf, auteur en 1600 de lectionum memorabilium et reconditarum, est écoeurante, la naïveté d'un Simon Goulart, attribuant 63 ans de calamités à la fausse comète de 1527, fait peine à voir.
Ainsi, pour ce qui est de la rouerie, du mensonge, de l'ignorance, de la naïveté et de la négligence, les ufologues d'aujourd'hui n'ont vraiment rien inventé.
Mieux: les ufologues du XVIème siècle avaient parfois produit un travail colossal, sans internet et à la plume d'oie. il suffit de voir l'ouvrage de Lycosthènes.
Ils avaient aussi publié des illustrations autrement plus belles que celles qui parsèment les ouvrages d'ufologie, comme celle ci, tirée de Das Augsburger Wunderzeichenbuch (1552)
La légende, peu lisible, prétend que c'est une comète, mais l'aspect fait plutôt penser à un bolide.
Nous ne trouvons pas de façon sûre l'équivalent chez Lycosthènes, mais il y a des prodiges qui sont mentionnés simultanément par les deux sources, ainsi ce prodige de 1545. Voici l'image de Das Augsburger Wunderzeichenbuch
Et voici celle donnée par Lycosthenes.
Conrad Lycosthenes a écrit:In Polonia vigesimo nono Martii circa horam octavam antemeridianam, horrendum fulmen de caelo iactum universam Poloniam commovit. Mox apparuere tres punicei coloris cruces in coelo interquas cataphractus miles flammeo gladio contra exercitum sibi oppositum pugnavit av vicit, ac deinde victor a dracone horrendo devoratus est.
Evidemment, pour comprendre ce qui s'est passé, c'est une autre histoire. Ayant observé personnellement un groupe de nuages, qui évoquaient une troupe de cavaliers célestes, je sais que certaines gravures de Lycosthènes s'expliquent ainsi.
on sait aussi que la fameuse comète dAmbroise Paré était en fait une aurore boréale
Et le sachant, l'illustration parue dans Das Augsburger Wunderzeichenbuch, est belle, mais fantaisiste
On sait aussi que certaine descriptions de combat de chevaliers célestes en 1615, par un témoin trop imaginatif, et probablement myope, était aussi une aurore boréale, puisqu'on en a une description plus précise faite par un savant de l'époque.
Donc le caractère extraordinaire ne prouve rien. Surtout, il faut se rappeler que les dessins n'ont pas été exécutés par des témoins, mais d'après les descriptions. Et on se doute qu'entre la description des témoins, et celles données par Lycosthènes, il y a pu avoir plusieurs intermédiaires.
D'autre part, les dates sont souvent erronées. Lycosthènes se trompe souvent de trois ans, parfois même de quatre siècles (il travaillait avec difficulté après une hémiplégie). L'auteur anonyme des gouaches de Das Augsburger Wunderzeichenbuch, se trompe aussi, en plàcant le cas de Spolète en 73 avant notre ère, au lieu de 91 avant notre ère.
Pour ce qui est de l'exactitude, les ufologues du XVIème siècle, ne faisaient donc ni mieux, ni pire que ceux de notre époque. Mais quand on voit certains de leurs ouvrages, il faut reconnaitre qu'ils faisaient mieux réver.
Et sur ce plan, feu Jimmy Guieu pouvait aller se rhabiller.