Récemment, ockham se plaignait que nous n'utilisions que les données fournies par le GEIPAN pour analyser les cas. Ce n'est pas totalement vrai, car j'ai ici retrouvé une information précieuse en effectuant une recherche sur internet.
Et le nom de cette ruelle m'a permis de retrouver le nom de la route empruntée par le témoin principal. J'ai ainsi pu bien le situer ! 8)
Et promis, je ne fais pas exprès de casser des PAN D !
L'OVNI de Saint-André (Ile de la Réunion), 15 août 1997Cette enquête étant rédigée au mois d'août (2010), il est de bon ton de vous faire découvrir un cas « exotique », dans la mesure où il s'est déroulé dans un département d'outre-mer, l'Ile de la Réunion.
Mais il est également exotique, dans la mesure où il est classé PAN D par le GEIPAN, c'est-à-dire non identifié malgré une enquête.
Le cas n'ayant pas lieu en métropole, il faut penser à un détail important lors de certaines reconstitutions informatiques : l'horaire. Si l'ufologue, pour les cas métropolitains, doit sans cesse jongler entre heure TU (pour quelques logiciels informatiques), l'heure d'été et l'heure d'hiver, il faut ici s'adapter sur l'heure réunionnaise. C'est-à-dire GMT+4. A savoir qu'il faudra donc retirer 4 heures à l'heure légale réunionnaise pour avoir l'heure TU.
Voici le cas tel qu'il apparaît sur le site du GEIPAN :
http://www.cnes-geipan.fr/geipan/regions/out/etude_1997-08-01468.html
SAINT-ANDRE (974) 1997
Observé le
15/08/1997
Région
Outre-Mer
Département
Réunion
Classe
D
Résumé
Observation de longue durée d'un phenomène lumineux accompagnant un témoin en voiture
Description détaillée
Le 15 août 1997 vers 5 heures, un marchand ambulant faisant la tournée du pain observe un objet lumineux stationnaire à une quarantaine de mètres du sol. Après avoir observé le phénomène durant 10 à 15 minutes, le témoin repart mais quand il s'arrête de nouveau vers un autre client, il constate que l'objet est à nouveau à proximité, stationnaire à une trentaine de mètres du sol. A ce moment le témoin prend peur et repart à grande vitesse, mais l'objet le suit sur une trajectoire parallèle à la sienne et à la même vitesse. L'objet, dont le diamètre estimé est de 5 mètres, circule silencieusement, adaptant sa vitesse à celle de la voiture. Il a une forme de tortue avec deux phares blancs. L'engin suivra le témoin dans une ruelle au fond de laquelle se trouve un client, faisant demi-tour comme la voiture et le suivant jusqu'à la maison de sa sœur à environ 2 km. Le phénomène s'est alors arrêté et le témoin réveille sa sœur qui, avec son mari et son fils, observeront le phénomène fixe durant une vingtaine de minutes. Le témoin repart pour sa tournée mais sa sœur continuera à observer le phénomène jusqu'à sa disparition derrière une falaise. Depuis cette date la sœur du témoin dit observer de nouveau le phénomène lorsqu'il fait beau mais beaucoup plus loin. Aucune explication n'a pu être apportée à cette observation de longue durée d'un phénomène semblant avoir un comportement "intelligent" par rapport au témoin.
Compte-rendu de l'enquête
Aucun.Des recherches sur internet via Google ne m'ont pas permis de trouver d'informations supplémentaires, mise à part le nom d'une ruelle évoquée dans le procès-verbal, et dont le nom a été effacé. Nous y reviendrons.
Syndrôme de la boule suiveuseUne simple lecture du résumé fait apparaître le classique syndrôme de la boule suiveuse, typique de la méprise avec un astre céleste (Lune, planète, étoile brillante) : « le témoin repart mais quand il s'arrête de nouveau vers un autre client, il constate que l'objet est à nouveau à proximité », « le témoin prend peur et repart à grande vitesse, mais l'objet le suit
sur une trajectoire parallèle à la sienne et à la même vitesse », « l'objet (...) circule silencieusement,
adaptant sa vitesse à celle de la voiture », « l'engin suivra le témoin dans une ruelle (...) faisant demi-tour comme la voiture et le suivant jusqu'à la maison de sa soeur à environ 2 km ». A croire que l'OVNI désire lui acheter une baguette...
Alors que le témoin est arrivé au domicile, « le phénomène s'est alors arrêté ».
« Aucune explication n'a pu être apportée à cette observation de longue durée d'un phénomène de longue durée d'un phénomène semblant avoir un comportement « intelligent » par rapport au témoin ».
Aucune explication ? La méprise avec un astre n'a-t-elle même pas été envisagée ?
Le phénomène « semble » avoir un comportement intelligent, et le verbe « sembler » à ici toute son importance : dans tous les cas de syndrôme de la boule suiveuse, l'OVNI est décrit comme ayant un comportement intelligent, puisqu'il s'adapte au déplacement du témoin. Illusion parfaite du syndrôme de la boule suiveuse.
Autre argument en faveur d'un astre céleste : l'un des témoins dit avoir revu régulièrement,
par temps clair, l'objet.
Mais avant d'essayer d'identifier cet OVNI, analysons le cas.
Analyse du cas-
date et heure : vendredi 15 août 1997, « vers cinq heures le matin ».
-
lieu : Saint-André, Ile de la Réunion. Ville située au Nord-Est de l'Ile, près de l'entrée du Cirque de Salazie, qui sert justement de point de repère à l'observation.
L'observation a lieu en différents lieux : chemin de (
nom caché), qui est également une route départementale, ruelle (
nom caché) – en fait, il s'agit de la ruelle Janac, ainsi qu'on peut l'apprendre sur différents sites ufologiques. Il suffit alors de taper « ruelle Janac » dans le moteur de recherche de Géoportail pour obtenir le nom et le numéro de la route départementale : D48, ou route de Salazie (ou chemin de Salazie, l'espace blanchit correspondant au nombre de lettres de « Salazie »).
La fin de l'observation se déroule au domicile de la soeur du témoin principal, dans la localité de la Rivière du (
nom caché). Au vu de l'espace blanchi, et dans la mesure où cette localité est située à environ deux kilomètres, il s'agit de Rivière du Mât les Hauts.
-
orientation : « ensemble ils observent le phénomène jusqu'à sa disparition brusque derrière une des falaises », « il aurait plongé d'un seul coup derrière une falaise qui sont nombreuses dans la zone de (
nom caché) – ici, Salazie, car le résumé de l'enquête de gendarmerie nous apprend que le cas a eu lieu près d'un cirque du Nord-Est de la Réunion, qui n'est autre que le cirque de Salazie (l'une des trois caldeiras du Piton des Neiges).
Des falaises vues depuis la commune de Saint-André, il n'y en a que dans un seul secteur : vers le cirque de Salazie, c'est à dire dans un quadrant compris entre l'Ouest-Sud-Ouest et le Sud-Ouest.
Le témoin principal estime l'objet « à une hauteur d'environ 40 mètres ». Si l'estimation de hauteur est une erreur classique chez les témoins, on peut néanmoins en déduire que l'objet était bas sur l'horizon (moins de 20° de hauteur).
-
caractéristiques physiques : « il avait une forme presque comme une tortue, je veux dire la forme arrondie sur le dessus et plat en dessous, mais assez large ». L'objet semble muni de phares rapprochés l'un de l'autre, qui « n'éblouissaient pas beaucoup ». Les phares sont blancs, mais le témoin principal ne saurait dire la couleur de l'objet.
D'après sa soeur : « nous avons observé très longtemps, une lumière très étincelante ». Elle ajoute : « je suis sûre que ce n'est pas un avion, ni une étoile,
c'est bien trop gros » (classique d'un astre très brillant, non reconnu comme tel, car plus brillant que les autres étoiles).
En fait, le témoin principal est le seul à distinguer des détails sur l'objet, notamment les deux phares, totalement absents dans le témoignage de sa soeur du témoin, qui précise même qu'il faudrait des jumelles pour « mieux voir et de distinguer de quel nature (sic !) l'objet est fait ». En fait, l'objet a toute l'apparence d'une étoile très brillante. De plus, cette dernière personne a revu régulièrement l'objet. Rappelons que le témoin principal devait être fatigué, puisqu'en fin de tournée, qu'il a fait sa déposition en gendarmerie onze jours après son observation (le 26 août), et qu'il était paniqué : beaucoup de facteurs pouvant déformer mentalement sa vision du phénomène et les souvenirs de ceux-ci.
L'objet est silencieux. Il semble « se déplaçait très rapidement », car, alors que le témoin est paniqué et part à grande vitesse pour rejoindre la route goudronnée, l'objet le suit de façon parfaite (syndrôme de la boule suiveuse).
-
durée de l'observation : environ 50 minutes pour le témoin principal puisque celui-ci cesse son observation (pour retourner travailler) à 5h50. Les autres témoins continuent d'observer l'objet jusqu'à sa disparition derrière des falaises, sans qu'il soit donner l'heure de cette disparition.
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météo : « il ne pleuvait pas, il faisait bon, la nuit était très noire », « il y avait quelques étoiles, éloignées et peu nombreuses. Il n'y avait aucun vent ». Si le témoin principal voyait des témoins, c'est qu'il faisait beau.
Cartes des lieux :Tentative d'identification de l'OVNISyndrôme de la boule suiveuse, une apparence d'étoile brillante, un objet qui revient régulièrement au même endroit. Nous avons ici toutes les caractéristiques d'un astre céleste très brillant : Lune, planète ou étoile de première magnitude.
Regardons donc la carte du ciel pour Saint-André de la Réunion, le 15 août 1997 à 1h00 TU (5h00 heure locale), pour voir s'il n'y avait pas un tel astre à l'Ouest-Sud-Ouest, assez bas sur l'horizon :
Et bien c'est effectivement le cas ! Nous avons la planète Jupiter, immanquable, pile dans l'axe d'observation !
Voici sa situation, d'après Calsky.com :
- à 5h00 : altitude de 19,56°, azimut de 258,80° (Ouest)
- à 6h00 : altitude de 6,00°, azimut de 254,13° (Ouest-Sud-Ouest)
Sa magnitude visuelle était de -2,8. Donc immanquable pour qui regarder le ciel à ce moment-là.
Jupiter se couchait ce jour-là, pour un horizon parfait, à 6h29. Mais l'horizon est loin d'être parfait depuis le domicile de la soeur du témoin principal : dans la zone où Jupiter se couche (et où l'OVNI disparaît...), il y a les falaises marquant l'entrée du Cirque de Salazie.
Relief loin d'être abupt cependant, comme nous pouvons le voir sur cette image prise sur Google Earth, depuis le pont enjambant la rivière du Mât :
(
crédit : Stéphane Mardia)
Bref, il est plus que probable que l'OVNI vu ce matin là était bien la planète Jupiter.
A noter que s'il faisait encore nuit noire au début de l'observation, il en était tout autrement à la fin. D'après l'Institut de Mécanique Céleste et de Calcul des Ephémérides, le crépuscule astronomique a débuté ce jour là à 5h25 (heure locale), le crépuscule nautique à 5h51 et le crépuscule civil à 6h17.
L'OVNI revu n'est pas forcément le mêmeLa soeur du témoin principal dit avoir revu l'OVNI à plusieurs reprises, et ce quand le temps est dégagé. Rien de plus normal, dans la mesure où il s'agit d'une méprise avec une planète.
Cependant, l'OVNI qu'elle revoit n'est pas forcément Jupiter : « vers les dix huit trente quand la nuit tombe, on voit le phénomène brillant. Il est toujours au même endroit... ».
Voilà qui pourrait bien mettre à mal l'hypothèse Jupiter : elle ne peut pas être au même endroit à 5h00 du matin et 18h30.
Pour être plus sûrs, regardons la carte du ciel pour Saint-André, le 15 août à 14h30 TU (18h30 heure locale) :
Jupiter est bien présente, mais à l'opposé. En revanche, dans la zone où se situe Jupiter le matin, il y a une autre planète, très brillante elle aussi : Vénus. Elle est sensiblement décalée de quelques degrés vers le Nord (donc vers la droite), mais peut parfaitement créer l'illusion que l'OVNI est toujours au même endroit, le soir, sur plusieurs journées d'affilée.
D'ailleurs, la confusion entre les planètes Jupiter et Vénus, qui ont pour point commun d'être les planètes les plus brillantes visuellement parlant depuis la Terre, est très fréquente.
En fait, cette nouvelle méprise, avec Vénus, qui est dans le même secteur que Jupiter le matin, ne fait que renforcer l'hypothèse jovienne pour l'OVNI visible le matin.
Mais alors, pourquoi ne parle-t-elle de Jupiter, qui est alors visible au-dessus de la mer, à l'Est ? Tout simplement parce qu'elle ne doit être focalisée que vers les falaises de Salazie, où a eu lieu sa première observation d'un OVNI.
ConclusionCe cas, classé PAN D, pour aussi curieux qu'il soit (OVNI « intelligent » poursuivant un témoin, visible plusieurs jours de suite), relève tout simplement d'une méprise avec la plus grosse planète du Système solaire : Jupiter. A noter également une autre méprise courante en ufologie, avec Vénus, pour l'OVNI visible « au même endroit », le soir.
Ce cas est donc loin d'être inexpliqué. A classer PAN B (probablement identifié) ou PAN A (parfaitement identifié) suivant votre humeur.
Un cas très intéressant, pour diverses raisons :
- classique syndrôme de la boule suiveuse
- une méprise Jupiter, renforcée par une méprise Vénus !
- une belle illustration de l'Hypothèse Psycho-Sociale : le témoin principal dit que l'OVNI ressemble à une tortue. Or, il faut savoir que l'Ile de la Réunion est justement réputée pour ses tortues de mer.
- un bel exemple qui montre qu'il ne faut prendre le témoignage du témoin au pied de la lettre : si le témoin principal décrit l'OVNI comme ayant deux phares et ayant la forme d'un chélonien, il en va tout autrement de sa soeur, qui a l'occasion de l'observer longuement, et calmement, depuis chez elle, et ce, plusieurs jours d'affilée. Ce deuxième témoin, a priori plus fiable (plusieurs observations, à son domicile, non paniquée), dit qu'il faudrait des jumelles pour voir des détails sur l'objet.
- lors de la présentation de ma méthodologie ufologique, j'avais pu écrire qu'il fallait interpréter les propos du témoin, entre ce qu'il a cru voir, et ce qu'il a vu réellement. Ce cas en est une parfaite illustration : qui aurait pu croire, avant l'analyse, que Jupiter puisse être vue comme « une tortue » ?
Edit : Toujours PAN D en fevrier 2017.EDIT : Renommé REUNION (LA) (974) 15.08.1997 et reclassé PAN A "Jupiter"
http://www.cnes-geipan.fr/index.php?id=202&cas=1997-08-01468