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Contre-enquête : Sur la trace des OVNI
Depuis trente ans, un service fondé par la très sérieuses Agence spatiale française (CNES), recense et étudie les objets volants non identifiés (OVNI). Mais quelles méthodes scientifiques ces experts utilisent-ils pour conclure à l’existence de tels phénomènes aérospatiaux, possibles manifestations d’une intelligence extraterrestre ? C’est la question que se sont posés David Rossoni, Eric Maillot et Eric Déguillaume dans leur récent ouvrage "Les OVNI du CNES, 30 ans d’études officielles (1977-2007)". Après avoir mené une contre-enquête, les trois auteurs mettent en évidence toute une série d’erreurs et de biais qui entachent les travaux de ce service du CNES. Explications avec l’un des auteurs, Eric Maillot, de formation scientifique et professeur des écoles.
Pourquoi entreprendre une contre-enquête (1) sur trente ans d’études du service du Cnes, dédié à l’étude des phénomènes aérospatiaux non identifiés (PAN) ?
Pour bien comprendre notre démarche, il faut retracer brièvement l’historique du service du Cnes dédié aux phénomènes aérospatiaux non identifiés. Tout d’abord, il faut savoir que la France reste l’un des seuls pays du monde à entretenir un service gouvernemental d’étude du phénomène OVNI. Ce service, dépendant du Centre national d’études spatiales (CNES), a été créé en 1977 sous le nom de Groupe d’étude des phénomènes aérospatiaux non-identifiés (GEPAN), avant de devenir le Service d’expertise des phénomènes de rentrées atmosphériques (SEPRA) en 1988, puis le Groupe d’études et d’informations sur les phénomènes aérospatiaux non-identifiés (GEIPAN) en 2005. Or, depuis trente ans, les directeurs successifs de ces groupes d’études laissent entendre que leurs enquêtes démontrent l’existence de phénomènes aérospatiaux non identifiés (PAN) – pour reprendre la terminologie en vigueur au sein de cette structure – résistants à toute explication connue. Claude Poher, fondateur et premier responsable du GEPAN, et Jean-Jacques Velasco, directeur du GEPAN puis du SEPRA de 1983 à 2004, vont même plus loin : dans leurs publications et prestations médiatiques, ils soutiennent clairement qu’au moins certains d’entre eux sont des objets artificiels d’origine extraterrestre. Ils s’expriment certes à titre personnel, mais en se basant directement sur les travaux des services qu’ils ont dirigés, entretenant ainsi une ambiguïté certaine. Une opinion similaire est désormais défendue de manière moins ouverte par Jacques Patenet et Yves Sillard – respectivement à la tête du GEIPAN et de son comité de pilotage, le COPEIPAN. Selon leurs études, ces derniers affirment qu’un nombre conséquent de cas auxquels ils n’ont trouvé aucune explication, même après « enquête approfondie » subsisterait. Partant de là, ils vont même jusqu’à écrire que la thèse de visiteurs extraterrestres serait « la seule […] qui, au stade actuel, apporte une perspective éventuelle d’explication de phénomènes, dont l’existence est par ailleurs indiscutable ».
Dans les années 1980-1990, j’étais passionné par l’étude des OVNI et convaincu par les thèses du GEPAN. De formation scientifique, j’ai voulu me plonger dans les archives de ces services (en 2007, le GEIPAN a mis en ligne une partie de ces archives sur son site) pour collecter des informations. Or, après dix années de travail, je me suis aperçu que les enquêtes menées sur la base de témoignages et de diverses données recueillies (photographies, enregistrements sonores…) par ces services étaient truffées d’erreurs, de lacunes et de biais et ne démontraient en aucun cas la réelle manifestation sur Terre d’OVNI, ou de PAN.
Pouvez-vous nous donner un exemple de phénomène classé, avec certitude par le GEIPAN, en tant qu’objet volant non identifié, et qui ne s’avère pas l’être selon votre enquête ?
Dans notre ouvrage, nous démantelons les neuf cas réputés les plus mystérieusement insolubles qui ont été largement médiatisés. Prenons l’exemple du vol Air France-3532. Le 28 janvier 1994, à 13h14, un Airbus A-320 d’Air-France assurant la liaison Nice-Londres survole la région Coulommiers (Seine-et-Marne). Les conditions météorologiques sont bonnes, en dépit d’un vent de face. C’est alors que le stewart, présent dans le cockpit, avec la copilote et le commandant de bord aperçoit un objet à gauche de l’avion. Ces derniers pensent spontanément à un ballon météorologique mais la longueur de l’engin (1000 mètres de long) et la forte luminosité qu’il diffuse les surprend. Le commandant signale en vol l’objet, au centre de radar de contrôle au sol qui répond ne pas avoir détecter d’échos dans ce secteur. Comme il est de règle, le centre informe toutefois le Centre d’opérations de la défense aérienne (Cda) de Taverny (Val d’Oise). Quelques années plus tard, le directeur du SEPRA Jean-Jacques Velasco, apprend qu’une trace de la présence d’un objet volant non identifié a été enregistrée dans cette zone par un autre radar militaire situé en Indre-et-Loire. Il fait immédiatement le lien avec le phénomène observé par le pilote et publie une interview dans le magazine Paris Match en affirmant qu’un OVNI a été détecté. Or, après un examen minutieux de cette affaire, nous avons découvert que l’écho radar fourni par le centre militaire quelques années plus tard, révélait un objet volant situé à droite de l’avion et non à gauche, comme cela avait été signalé par le commandant de bord, et de plus le stewart, à l’origine de cette observation, n’a jamais été retrouvé. Qualifier de corrélation scientifique ces deux données ne relève donc pas d’une démarche rigoureuse et ne prouve pas l’existence d’un phénomène aérospatial non identifié. De façon générale, tous les cas que nous avons étudié révèlent les mêmes lacunes méthodologiques : toutes les données recueillies (témoignages, photographies, enregistrements…) sont soit insuffisantes, soit contradictoires, et ainsi inutilisables pour mener à bien une enquête scientifique et conclure à la présence d’un phénomène aérospatial non identifié.
Comment ce service a pu commettre de telles erreurs ?
A l’origine, le GEPAN avait défini une méthodologie scientifique : pour classer une phénomène aérospatial en tant que phénomène non identifié, il était nécessaire de réaliser une enquête dans les 48 heures de la déclaration d’un ou des témoins, dès lors que ces témoignages étaient recoupés avec des données matérielles telles que des photos, des enregistrements, des films, des échos radars… Or, cette méthodologie n’est pas appliquée. Je pense que les dirigeants successifs de ces services ont une conviction personnelle de l’existence d’une forme extraterrestre et cherchent, de façon inconsciente ou consciente, je ne sais pas, à crédibiliser cette croyance. Leur méthode n’est pas scientifique au sens où ils postulent, dès le départ, qu’une vie extraterrestre existe.
Est-ce à dire que le GEIPAN est inutile ?
Actuellement, le GEIPAN répond à deux demandes, celle du public qui ressent le besoin de témoigner lorsqu’il vit des phénomènes inexpliqués et celles des journalistes qui ont besoin d’une ressource officielle pour retrouver des témoins ou informer sur les OVNI. Mais il est à souhaiter que le GEIPAN se définisse une méthodologie rigoureuse afin d’étudier scientifiquement ces phénomènes aérospatiaux. Une plus grande prudence et transparence est aujourd’hui nécessaire. Car, en l’état actuel, même si des OVNI se manifestaient sur Terre, la présente méthodologie utilisée ne permettrait pas de le prouver.
2 mai 2008, Anna Musso
(1) Les OVNI du CNES, 30 ans d’études officielles 1977-2007, David Rossoni, Eric Maillot, Eric Déguillaume, Editions book-e-book, collection zététique, décembre 2007, 28 euros.
Source :
http://www.innovationlejournal.fr/spip.php?article2593
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