Cadeau spécial pour JJT (les z'otres l'ont déjà lu))...
Une chouette histoire.La journée avait été dure ! J’avais soif et je me décidais à sortir de notre vieille maison pour m’abreuver au puits.
Le soleil se mourrait à l’horizon, laissant la pénombre envahir peu à peu un paysage reposant.
Mon regard enregistra furtivement un sillage lumineux traçant à vive allure une courbe vers le sol et rayant le ciel pénétrant.
Une étoile filante !
Ne m’avait-on pas appris, du temps où, petit, j’aimais me bercer sur les genoux de ma mère, qu’un vœux était de tradition ?
Je bus l’eau fraîche du puits et revint vers la maison.
Machinalement, en poussant la porte, cette résurgence de mon enfance me fit sourire...
Secouant la tête, j’en fis la remarque à tous. Ils fuirent d’accord ! C’était bien la porteuse de vœux de mon enfance...
Mon petit frère ne disait rien.
Cette respiration à reculons, cette goulée de souvenance, s’éteignit peu à peu...
*****
Nous n’aimions pas, mon père et moi, que les chiens aboient ainsi. Avec une insistance telle que nous pensions qu’un rôdeur se trouvait près de la maison.
A la campagne il y a toujours au moins un fusil. Oh ! pas pour faire bien, comme on dit, mais avec ce nombres de bêtes nuisibles qui nous occasionnent bien des dégâts...
Il faut aussi admettre, qu’isolé, c’était un bien rassurant que j’ajoutais à sa nécessité.
Calée sur son épaule, elle trônait à présent, à la manière d’un trophée, lorsque nous ouvrîmes la porte.
- Qu’est-ce là bas, lui dis-je immédiatement.
Une curieuse silhouette, à peine plus haute d’un mètre, semblait traîner à terre. Elle avançait lentement vers nous.
- Une chouette ? Crus-je reconnaître.
- Un hibou, corrigea mon père. Les ailes déployées.
- Elles brillent ! Ajoutais-je.
Mon petit frère se tenait derrière nous, les mains dans le dos et dressé sur la pointe des pieds. Il paraissait plus grand ainsi. Ses yeux émerveillés observant la scène et il pépia à l’attention du père :
- Qu’est-ce qu’elle fait p’pa ?
- Elle cherche sûrement sa proie mon p’tit.
Depuis quelques temps déjà, ce grand rapace c’était installé là, dans ce grand arbre, faisant ainsi face à notre demeure. En fait ; c’est dès mars que nous l’avions repéré. Sa femelle construisant un nid.
Mon père, ce savant, m’avait expliqué tout cela, étalant un savoir surprenant.
De nouveau je respirais profondément et goûtais ce vertige magique qu’occasionnaient les souvenirs. Les dires vomirent alors :
« Regarde P’pa, une Hulotte !
Elle arrivait du nord, en un vol grandiose et majestueux. Ses grandes ailes largement ouvertes caressaient l’air et elle descendait lentement vers le grand arbre.
- Mais non ! Ça c’est un moyen duc mon grand.
- Il est beau.
- Elle ! Me reprit-il une fois encore. Regarde un peu, le mâle l’attend déjà dans l’arbre.
Son regard, plus affûté que le mien, avait déjà repéré l’autre rapace.
Je mis un certain temps à l’apercevoir. Il était là, presque invisible dans les branches. Sa stature impressionnante et ses yeux ronds et fixes aux pupilles cerclées. De sa tête partait des aigrettes lui donnant un aspect presque démoniaque.
Il me parut plus petit aussi. Le monstre volant silencieusement me parut nettement plus imposant. Mais mon père, un sage, avait sourit à cette constatation.
- Malgré sa taille d’environ 40 cm, me dit-il, il possède une envergure de près d’un mètre. Ils vont fonder une famille ici... »
- On dirait qu’il est vert, P’pa, me réveilla alors mon frère.
Je repris contact avec l’instant présent et me remis à observer l’étrange scène. Le moyen Duc (je savais qu’il s’agissait de cela maintenant) marchait au sol, les ailes déployées. Un vert phosphorescent luisait sur une grande partie de ses ailes et sur le devant de son corps. Je ne pus m’empêcher de repenser aux monstres de mon imagination.
- J’ai peur. Se plaignit alors p’tit Paul.
Mon père se retourna, le fusil toujours sur l’épaule. Sa main libre saisissant le p’tit, il le cala dans ses bras. D’une voix rassurante il s’adressa à nous :
- Regardez, il cherche sa proie. Les ailes en l’air indiquent sa mauvaise humeur. Une souris ou un rat lui a échappé...
- Il s’approche encore, gémit Paul.
- Jette lui une pierre, me demanda-t-il en réponse. Je savais qu’il ne faisait cela que pour rassurer Paul.
Je n’étais guère doué à se jeu. La pierre que je croyais suffisamment lourde ne fit qu’un « flop » qui, cependant, s’avéra suffisant pour le curieux rapace. Battant des ailes, en arrière, il s’enfuit tout de même.
La manière dont il s’enfuit rendit un peu plus incrédule le p’tit Paul qui se blottit alors plus profondément dans les bras du père.
En effet, je crus voir le volatil vaciller et tomber à la renverse. Puis l’instant d’après, sans vraiment comprendre comment, je le vis repartir rapidement dans un fourré proche.
Mon père arborait un large sourire en jetant à l’aparté :
- Le v’là à l’abri. N’ai plus peur. Viens nous rentrons.
*****
Notre mère nous attendait sagement à l’intérieur. La table était dressé et un délicieux fumet flattait nos narines. d’un bond je pris place, lorgnant vers la marmite fumante encore sur le feu de notre vieille gazinière. Un monstrueux gâteau au chocolat siégeait en milieu de table, et, fidèle à son habitude,Paul y plongea un doigt qu’il suça goulûment. Mon père lui adressa un regard réprobateur, tandis que ma mère riait.
D’un coup, une chose vint s’encastrer dans le panorama que dessinait la petite fenêtre de la salle à manger. Paul cria et alerta tout le monde.
- Le monstre vert est là P’pa !
Comme un seul homme nous nous retournâmes vers l’endroit suspect que les yeux rond et effrayés de mon p’tit frère nous montraient implicitement !
Semblant un instant planer, l’étrange créature nous fixait. J’eu peur cette fois, je l’avoue ! En voulait-il à notre gâteau ?
- Quelle affreuse créature, s’exclama ma mère, ajoutant involontairement à la frayeur de Paul.
- Encore le hibou dis-je.
- La lumière l’intrigue certainement, rassure toi Maman ( mon père avait l’habitude d’appeler ainsi ma mère).
Il lança en direction de la fenêtre un torchon qui traînait par-là, ce qui eu pour effet de faire fuir la créature de la nuit.
Nous dûmes rassurer une fois encore le p’tit frère.
- On aurait dit un Martien, fit ma mère en riant.
*****
Dans la demi-heure qui passa, tout semblait calme. Le père grand Duc ne se montra plus. Peut-être avait-il voulu poursuivre une proie et l’avait-il même attrapé cette fois ?
Toujours est-il que nous nous délectâmes enfin du délicieux repas que ma mère, grande cuisinière, avait amoureusement préparé. Mais décidément, Paul allait nous gâcher le meilleur. Le dessert !
- P’pa, y a comme un bruit sur le toit.
- T’inquiète, ce n’est pas la première fois non ? Des souris ou des mulots.
- Ca gratte ! Insista-t-il à vois basse et craintive.
- Bon ! Je vais voir. Mange ton dessert.
Nos chiens aboyaient toujours. D’un ordre bref et impératif, il les fit taire...un instant...
Je le suivais prudemment. Les hiboux verdâtres ne se montraient plus. Au fait ? Pourquoi étaient-ils verdâtres ? Était-ce la Lune qui conférait cette curieuse teinte ? J’étais bien décidé à profiter de la bienveillance de mon père, pour en savoir plus. Il sait tout, ne l’ai-je pas dit ?
- Cela vient effectivement du toit. me dit-il
- On dirait que quelqu’un court dessus, lui répliquais-je d’une vois tremblante.
D’un coup nous reculâmes sous l’effet de la surprise. Mon père me bouscula quelque peu et se retrouva même les fesses par terre, dans une mare de boue. Je le regardais incrédule et levant les yeux aperçue deux yeux ronds luisants qui me fixaient intensément. J’ouvris la bouche, mais aucun son ne devait en sortir.
Mon père explosa de rire à la vue de la situation.
Le facétieux Grand Duc prit un envol sans bruit, dans un bruit court finissant à la manière d’un coup de fusil.
Le rire de mon père me fit un instant oublier la question promisse à tant de révélations.
Nous rentrâmes, lui me tenant par les épaules et moi glissant un malicieux sourire à la vue de son pantalon couvert de boue.
- Il a dû s’en prendre à un malheureux mulot imprudent...
Cette fois, nous allions finir notre dessert : un gâteau au chocolat, passablement entamé par un Paul barbouillé en quelque chose de rare ! Un second éclat de rire explosa à cette vision...
*****
Nous eûmes droit à une veillée extraordinaire. Nous la devions aux chouettes, pardon, des Grands ducs et elle resta gravée dans ma mémoire. de ma place, à cette table, j’aperçus une fois encore, posé sur le grand arbre, cette silhouette verdâtre. D’un coup, ma question me revint et je me dépêchais de la poser de peur qu’elle ne sorte d’une tête déjà trop heureuse d’être de veille.
- P’pa ? Pourquoi ont-ils cette couleur phosphorescente ?
- Je l’ignore mon grand.
Je fus déçu ! Se pourrait-il que mon père, ce savant, ignore vraiment la réponse ? C’était tout simplement impensable ! Est-ce mon air déçu qui le décida à une réponse plus conforme à mes attentes ? Où attendait-il, comme son sourire le laissait croire, que j’en trouve la réponse ?
- En forêt existe certains champignons, comme l’Agaric couleur de miel. Commença-t-il
- Ceux que Maman cuisine ?
- Oui mon grand. Ceux-là même ! Nous les ramassons en bordure des fossés.
- Je me rappel P’pa, mais cette couleur verdâtre sur les hiboux
- Et bien ces champignons possèdent une étrange particularité, celle d’être phosphorescent de nuit et...
- Et nos hiboux en ont mangés...Lançais-je triomphalement et coupant sèchement mon père.
- Non ! Les hiboux ne mangent pas de champignons. En revanche certains rongeurs, eux, les consomment. Je pense que nos hiboux ont simplement chasser les rongeurs parmi ces champignons, comme celui que nous avons vu en premier, tu te souviens ?
- Oui P’pa. Oh oui !
- Et bien, il chassait certainement un rougeur et je suis prêt à parier que de tel champignons se trouvent à proximité.
- Et en les mangeant ils deviennent verts ?
- (dans un éclat de rire) Mais non gros bêta ! C’est plutôt en les chassant que leurs ailes ainsi que le torse se sont accidentellement retrouvés tâchés des spores des champignons. La luminosité restreinte des lieux accentuant les effets.
- Et...
- Cela suffit Patrice, il est tard, il faut te coucher. Soit gentil et arrête d’ennuyer sans cesse ton père.
Je regardais machinalement la pendule qui égrenait sans pitié les secondes. 23h déjà ! Je la maudissais un instant.
Mon père se leva, bourra sa pipe, se pencha affectueusement sur moi et m’embrassa. Paul dormait déjà dans un coin du canapé. En souriant une fois de plus, il me dit :
- Et si nous allions tous les deux aux champignons demain ?
Ce soir là je vécus une chouette histoire.
Il parait qu’une aventure identique arriva un jour de 1955 aux USA...
Mais cela n’est sûrement qu’une légende...
Marius (un peu long ! )