J'avais rassemblé de la documentation pour les 100 ans de Glozel. Bon sang, sacrée affaire !!
L'affaire démarre en 1924, avec la découverte d'un four à verrier ou à potier dans une pâture. La vache qui s'appelle Florence tombe dans le reste du four. Les Fradin trouvent des trucs et transmettent à leur institutrice laquelle en rend comte aux sociétés historiques locales leurs trouvailles. La "Société d'Emulation du Bourbonnais" y dépêche un instituteur passionné d'archéologie qui n'y trouve pas grand chose. Mais voyant qu'Emile Fradin, âgé de 17 ans, est intéressé par les découvertes, il lui file des livres d'histoire et d'archéologie qui ont des photos et des dessins d'objets archéologiques.
Quelques temps plus tard, E. Fradin recontacte l'instituteur car il prétend avoir trouvé des objets sur le site. L'instituteur s'aperçoit que les objets trouvés par Fradin sont des copies des objets des livres qu'il lui a prêtés. Il sent la contre-façon et abandonne le site. Plus tard, la querelle entre partisans du vrai et du faux va enflammer le monde académique français, car parmi les objets on a des tablettes d'argile avec une écriture ressemblant un peu à une écriture phénicienne ou autre. Donc l'écriture, donc la civilisation n'est pas née en Orient mais en France.
Tout va bien pour les Fradin : les objets trouvés leur permettent d'ouvrir un petit musée chez eux et ils peuvent s'acheter une voiture. La Société de Préhistoire française porte plainte pour escroquerie, il y aura procès et Fradin sera relaxé faute de preuve, malgré la saisie par les gendarmes de tout un matériel pouvant servir à faire des faux (l'expert de l'identité judiciaire auteur d'un rapport à charge contre Fradin sera assassiné par un gars qui prétendra avoir voulu se venger de l'expert l'ayant ruiné dans une affaire de sous).
Ça c'est la version racontée par JP Demoule dans la vidéo YT sur les faux en archéologie (lien ci-dessous).
Ah, je dois rapporter l'affaire de la commission archéologique internationale de 1927 qui trouvera que le site ne contient rien d'intéressant.
Dans les années 60-70, les premières analyses des objets en céramiques au moyen de la thermoluminescence prouveront que certains objets sont anciens et que des ossements trouvés sont modernes.
JP Adam avait rigolé du site en déclarant que les objets trouvés à Glozel sont moches, preuves de leur fausseté.
Pour résumé, la situation ? JP Demoule, préhistorien et co-auteur du rapport archéologique de 1983, qui disait qu'il n'y avait jamais rien eu à Glozel (sauf le four médiéval) et que le sol de Glozel est trop acide pour conserver des os ou objets plus vieux que le Moyen Age veut classer les objets du musée de Glozel à l'inventaire des monuments historiques ! Oui, Glozel est un monument de l'archéologie française du XXe s. où on a mis au point les méthodes de fouilles et les principes de datation.
Et les responsables archéologiques de la Direction régionale des affaires culturelles veulent faire l'inventaire des objets de Glozel éparpillés dans les musées français.
Quelques liens : "L'affaire Glozel un siècle après - Usages du faux #2" avec JP Demoule sur les faux dans l'histoire de l'art et quand même, les faux anciens ont une vraie valeur archéologique et artistique.
https://www.youtube.com/watch?v=UDe3a8APfek
L'émission de France Culture "Carbone 14" sur les 100 ans de Glozel : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/carbone-14-le-magazine-de-l-archeologie/glozel-cent-ans-de-controverse-9401223
France Culture a écrit:Voici exactement cent ans, au printemps 1924 et au cœur de l’Allier, d’étonnants objets appartenant à une étrange culture sont découverts par un jeune paysan, Emile Fradin, et son grand-père.
Avec
Jean Guilaine Archéologue, spécialiste de Préhistoire et Protohistoire, professeur émérite au Collège de France et membre de l'Institut et de l'Académie des inscriptions et belles-lettres.
Jean-Paul Demoule Archéologue, préhistorien français, professeur émérite de protohistoire européenne à l’université Paris-1 Panthéon-Sorbonne, membre honoraire de l'Institut universitaire de France et ancien président de l'Inrap.
Didier Miallier Physicien, professeur émérite à l'Université Clermont-Auvergne et membre du laboratoire de physique IN2P3 du CNRS.
La présence de tablettes d’argile et de harpons portant des écritures élaborées et inconnues, associés à tout un mobilier d’aspect paléolithique et néolithique, suscita un vif émoi. Au nord du Massif central, le Bourbonnais aurait-il été le berceau de l’écriture, détrônant, par conséquent, les premières écritures cunéiformes de Mésopotamie et l’alphabet sémitique du Levant ?
Jean Guilaine : "les bonhommes qui ont confectionné les céramiques de Glozel ont essayé de combiner deux éléments : d'une part, une espèce de rusticité et de grossièreté, à la fois dans les pâtes et surtout dans le modelage et les surfaces externes. Et puis, une écriture qui montrerait que ces céramiques sont à la fois anciennes techniquement, mais que l'écriture qui leur est associée est également ancienne. Mais, d'un point de vue purement technique, la céramique, quand elle est découverte et maîtrisée, elle est tout de suite d'excellente forme et d'excellente qualité. Cette espèce de rusticité, au fond, c'est une erreur commise par les faussaires."
Les polémiques, les controverses scientifiques d’une extrême violence qui ont traversé tout le 20e siècle, font de l’affaire Glozel un cas unique, un hapax, dans le paysage archéologique français.
Jean Guilaine : "Les résultats, au point de vue archéologique, négatif ! Nous n'avons trouvé aucune couche, aucun sol, qui aurait renfermé des objets. Mais nous savons également que, lors des fouilles anciennes, il y avait ce qu'on appelle des "nids d'objets", c'est-à-dire qu'il n'y avait pas de couches archéologiques. Ça, on l'a confirmé, lors de notre présence."
Jean-Paul Demoule : "Il n'y a eu aucun véritable plan de fouilles. Les fouilles sérieuses ont été faites par une commission internationale de préhistoriens, mais sur des sondages assez limités où ils ont conclu que, effectivement, les objets avaient été introduits. Donc, ça a beaucoup fâché sur le moment. [...] Normalement, à cette époque, on commençait déjà à fouiller plus sérieusement. Et là, il y avait les journalistes et des curieux qui venaient sur le terrain. Donc, quand on voit les photos des fouilles, effectivement, c'était creusé un peu n'importe comment, et l'on n'a aucun croquis vraiment sérieux avant les fouilles de notre commission en 1983."
À la demande de Jack Lang, alors ministre de la Culture, une commission d’experts fut créée et le terrain à nouveau investi en 1983, pour des fouilles dans le champ Duranthon, rebaptisé depuis "le champ des morts". S'ensuivit un unique article scientifique, paru, dans une revue somme toute très confidentielle, la Revue archéologique du Centre (Daugas et al. 1995).
Didier Miallier : "Ce que j'ai inventorié, c'est du matériel qui avait été conservé à Vichy jusqu'en 1983, chez la fille du docteur Morlet. J'ai terminé l'inventaire qui avait été largement commencé avant moi. Après, j'ai essayé de faire un petit bilan. Effectivement, on peut compter 3 000 objets, mais qui recouvrent des choses très disparates. [...] C'est un nombre très large, et les véritables objets qui ressemblent à quelque chose sont moins nombreux. [...] Si l'on compare l'inventaire actuel à des inventaires anciens, on voit qu'il y a des choses qui ont disparu, mais on ne sait pas trop dans quelles conditions. [...] Il n'a pas dû s'en perdre des quantités, mais, on ne retrouve pas un certain nombre d'objets caractéristiques comme certains harpons que l'on n'a plus revus après les dessins publiés à l'époque."
Quarante ans après cette expertise, comme un siècle après le début de l’affaire, les membres de cette commission viennent, enfin, de publier la totalité de leurs résultats, dans un livre au titre hermétique, Glozel, résultats des recherches effectuées entre 1983 et 1990 à la demande du ministère de la Culture, mais ouvrage passionnant.
Aujourd’hui, la culture matérielle de Glozel est considérée comme non authentique, et l’hypothèse d’une civilisation préhistorique originale se doit d’être écartée définitivement. Glozel appartient désormais à l’histoire et la sociologie de l’archéologie.
Jean-Paul Demoule : "Moi, la première fois que je suis allé au musée de Glozel, pour préparer la fouille, je n'avais pas d'idée particulière. Sauf que tout ça paraissait très hétéroclite. [...] Mais quand je suis rentré dans le musée, j'ai vu que l'on avait voulu faire toute une civilisation, relativement hétéroclite, avec des vrais harpons qui ressemblaient à du Magdalénien, mais aussi des haches polies, très "néolithique" et très mal faites. Enfin, il y avait quand même 3 000 objets pour refaire une civilisation. Là, on était dans autre chose."
On peut visiter le musée de Glozel :
À visiter, le musée de Glozel, à Ferrières-sur-Sichon (Allier). Celui-ci présente plus de 2 500 pièces d’argile cuite, de pierre et d’os, découvertes à partir de 1924. Ouverture tous les dimanches de 14h à 18h de juin à septembre inclus.
Bref, Glozel est authentique mais 100 ans après