Extrait :
http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article1131Les croyances parascientifiques : une corrélation inverse avec le religieux
Le troisième modèle de corrélation est l’inverse du premier : il établit une liaison inversement proportionnelle entre des croyances au paranormal qui ont un contenu parascientifique et le niveau d’intégration religieuse. Là encore, il faut lire correctement le graphique : il ne signifie pas que les incroyants à une religion adhèrent automatiquement aux croyances parascientifiques, mais il indique que les croyants aux parasciences sont plus fréquemment non croyants et non pratiquants d’une religion.
La croyance aux soucoupes volantes et aux OVNI est inversement proportionnelle au niveau d’intégration religieuse. D’après l’enquête de Kapferer et Dubois [6], la croyance aux OVNI représente 35 % dans l’ensemble de la population : elle est à son maximum de 36,7 % chez les non-catholiques, descend à 35,4 % chez les catholiques non pratiquants, à 35 % chez les catholiques pratiquants épisodiques et chute à 28,5 % chez les pratiquants réguliers. L’étude sociologique de la croyance aux extraterrestres indique une tendance semblable [7]. Par son aspect rationaliste, matérialiste et scientifique, la croyance aux extraterrestres est tout à fait acceptée, voire recherchée, par les incroyants en une religion. Pour la plupart des religions, l’univers est peuplé d’êtres invisibles (Dieu ou dieux, ancêtres, génies, anges, démons, etc.), il n’y a plus de place pour des entités comme les extraterrestres. Au contraire, dans la conception matérialiste et athée du monde, l’espace vidé de Dieu et des anges est devenu infini et silencieux – trop silencieux – et peut aisément se remplir de créatures humanoïdes dont la présence rassure l’homme angoissé de se sentir seul dans l’univers.
Les croyances cryptozoologiques (animaux inconnus et mystérieux comme le monstre du Loch Ness et le Yéti) paraissent également relever de ce modèle. Une enquête des sociologues anglais Roger Grimshaw et Paul Lester [8] montre que sur un échantillon de 25 « fans » du monstre du loch Ness, 15 sont incroyants sur le plan religieux, 7 sont chrétiens non pratiquants et 3 seulement sont des chrétiens pratiquants.
Étudiant la mythologie du Yéti, nous avons montré qu’elle entretenait des liens privilégiés avec une conception matérialiste du monde, en particulier parce qu’elle s’intégrait parfaitement à l’imaginaire évolutionniste [9]. Ce n’est sans doute pas un hasard si, comme pour les extraterrestres, l’intérêt pour les Hommes Sauvages s’est tout spécialement manifesté dans l’ex-Union Soviétique, avec par exemple Boris Porchnev, auteur avec Bernard Heuvelmans d’un ouvrage où les mystérieux hommes-singes sont supposés être des hommes de Néanderthal [10], et Marie-Jeanne Koffmann, chercheur d’origine française et membre de l’Académie des Sciences de l’ex-Union Soviétique, partie sur les traces de l’Almasty du Caucase.
Parce qu’elles sont en opposition non seulement aux croyances religieuses mais aussi, par définition, au savoir scientifique officiel, les croyances parascientifiques possèdent une dimension de contestation de la culture dominante. Elles sont fréquemment associées à une critique de la société, une méfiance envers les gouvernements et une conception écologiste de l’environnement. Bien que n’appartenant pas à la communauté scientifique, à laquelle ils aspirent, qui leur sert de modèle et dont ils espèrent une reconnaissance, les croyants parascientifiques sont généralement des hommes, plutôt jeunes, de niveau d’éducation élevé.
Le tableau ci-dessus nécessiterait naturellement d’être nuancé. Il brosse à grands traits les portraits de trois grands types de croyants au paranormal, qui se croisent rarement parce que, comme nous avons tenté de le montrer, leur profil psychosociologique et leurs caractéristiques sociologiques les différencient.