http://www.lemonde.fr/sciences/article/2014/06/09/un-ordinateur-reussit-le-legendaire-test-de-turing_4434781_1650684.html
Il s'appelle Eugene Goostman. Il vient d'Odessa (Ukraine), il a 13 ans, de grandes lunettes rondes et un petit sourire mutin. Ce jeune garçon vient de réussir le légendaire test de Turing, a annoncé l'université de Reading. Vous ne pourrez néanmoins pas le féliciter, car ce n'est pas un vrai garçon, mais un programme informatique.
UN TEST VIEUX DE PLUS DE 60 ANS
Le test de Turing, du nom de son inventeur, le pionnier britannique de l'informatique Alan Turing, est censé déterminer si un logiciel est doué de pensée et capable de reproduire l'intelligence humaine. Ce test, qui résiste aux ordinateurs depuis sa création, en 1950, est considéré comme l'un des Graal de l'intelligence artificielle.
Le dispositif de ce test est le suivant : le programme doit donner la réplique, par clavier interposé, à des juges humains, pendant des sessions de discussion de cinq minutes. A l'issue de ces échanges, les juges doivent dire si leur interlocuteur était un humain ou un robot. Si le programme informatique parvient à convaincre 30 % au moins des humains, le test est considéré comme réussi.
Cinq programmes étaient mis au défi, samedi 6 juin à la Royal Society de Londres, et seul « Eugene » est parvenu à passer le test avec succès, en convainquant 33 % des juges. Eugene, développé par Vladimir Veseloc, un Russe installé aux Etats-Unis, et Eugene Demchenko, un Ukrainien vivant en Russie, avait déjà obtenu dans le passé des scores très honorables, juste en dessous de 30 %.
CET ÉVÉNEMENT « ENTRERA DANS L'HISTOIRE »
En 1950, Alan Turing, mathématicien de génie, l'artisan pendant la seconde guerre mondiale du déchiffrement d'Enigma, la machine de cryptographie nazie, prédisait que son test serait réussi par un ordinateur dans une cinquantaine d'années.
La réussite de ce test a lieu quelques mois seulement après la « grâce » accordée par la couronne britannique à Alan Turing : homosexuel, le mathématicien avait été après la guerre condamné à la castration chimique.
Royaume-Uni : grâce posthume pour Alan Turing, condamné pour homosexualité
Kevin Warwick, professeur à l'université de Reading et organisateur du test, s'est félicité de cet événement, opportunément programmé le jour du soixantième anniversaire de la mort de son inventeur :
« Dans le domaine de l'intelligence artifielle, il n'y a pas de jalon plus important et controversé que le test de Turing. Il est particulièrement approprié que ce fait marquant ait été réalisé à la Royal Society de Londres, source de nombreux avancements dans la compréhension du monde au fil des siècles. Cet événement entrera dans l'histoire comme l'un des plus excitants d'entre eux. »
PLUSIEURS LIMITES À CE TEST
Ce n'est pas la première fois qu'un succès à ce test est annoncé, mais, ainsi que le note l'université de Reading dans son communiqué, c'est la première fois que les sujets de discussion n'étaient pas fixés à l'avance.
Outre des critiques de longue date concernant la validité et la portée réelle du test de Turing, des voix se sont élevées pour minimiser l'exploit d'Eugene. Le Daily Telegraph, notamment, pointe plusieurs biais importants :
1.Le programme se faisait passer pour un jeune garçon, une interprétation du test qui le rend plus facile à réussir, les interlocuteurs humains étant plus susceptibles d'attribuer les défauts d'une conversation à ce jeune âge.
2.Même type de critique concernant la nationalité prêtée au programme : n'étant pas censé être anglophone, il a été plus facile de « duper » les humains.
3.Pour le moment, l'article scientifique détaillant ce test n'est pas paru, et l'université de Reading n'a pas voulu fournir au quotidien britannique de copie des conversations.
Plus généralement, les détails méthodologiques (le nombre d'interlocuteurs humains, les résultats des concurrents d'Eugene, notamment) sont extrêmement flous et cantonnés à quelques allusions dans le communiqué de presse de l'université de Reading.
Une version d'Eugene, sans doute moins évoluée que celle qui a concouru samedi, est en ligne depuis 2012. Nous lui avons demandé à plusieurs reprises comment il se sentait après sa victoire. Après avoir ignoré la question, puis avoué qu'il ne la comprenait pas, voici ce qu'il nous a répondu :
« Quelles questions stupide [sic] vous posez ! Pouvez-vous me dire ce que vous êtes ? Votre profession, je veux dire. »
Il s'appelle Eugene Goostman. Il vient d'Odessa (Ukraine), il a 13 ans, de grandes lunettes rondes et un petit sourire mutin. Ce jeune garçon vient de réussir le légendaire test de Turing, a annoncé l'université de Reading. Vous ne pourrez néanmoins pas le féliciter, car ce n'est pas un vrai garçon, mais un programme informatique.
UN TEST VIEUX DE PLUS DE 60 ANS
Le test de Turing, du nom de son inventeur, le pionnier britannique de l'informatique Alan Turing, est censé déterminer si un logiciel est doué de pensée et capable de reproduire l'intelligence humaine. Ce test, qui résiste aux ordinateurs depuis sa création, en 1950, est considéré comme l'un des Graal de l'intelligence artificielle.
Le dispositif de ce test est le suivant : le programme doit donner la réplique, par clavier interposé, à des juges humains, pendant des sessions de discussion de cinq minutes. A l'issue de ces échanges, les juges doivent dire si leur interlocuteur était un humain ou un robot. Si le programme informatique parvient à convaincre 30 % au moins des humains, le test est considéré comme réussi.
Cinq programmes étaient mis au défi, samedi 6 juin à la Royal Society de Londres, et seul « Eugene » est parvenu à passer le test avec succès, en convainquant 33 % des juges. Eugene, développé par Vladimir Veseloc, un Russe installé aux Etats-Unis, et Eugene Demchenko, un Ukrainien vivant en Russie, avait déjà obtenu dans le passé des scores très honorables, juste en dessous de 30 %.
CET ÉVÉNEMENT « ENTRERA DANS L'HISTOIRE »
En 1950, Alan Turing, mathématicien de génie, l'artisan pendant la seconde guerre mondiale du déchiffrement d'Enigma, la machine de cryptographie nazie, prédisait que son test serait réussi par un ordinateur dans une cinquantaine d'années.
La réussite de ce test a lieu quelques mois seulement après la « grâce » accordée par la couronne britannique à Alan Turing : homosexuel, le mathématicien avait été après la guerre condamné à la castration chimique.
Royaume-Uni : grâce posthume pour Alan Turing, condamné pour homosexualité
Kevin Warwick, professeur à l'université de Reading et organisateur du test, s'est félicité de cet événement, opportunément programmé le jour du soixantième anniversaire de la mort de son inventeur :
« Dans le domaine de l'intelligence artifielle, il n'y a pas de jalon plus important et controversé que le test de Turing. Il est particulièrement approprié que ce fait marquant ait été réalisé à la Royal Society de Londres, source de nombreux avancements dans la compréhension du monde au fil des siècles. Cet événement entrera dans l'histoire comme l'un des plus excitants d'entre eux. »
PLUSIEURS LIMITES À CE TEST
Ce n'est pas la première fois qu'un succès à ce test est annoncé, mais, ainsi que le note l'université de Reading dans son communiqué, c'est la première fois que les sujets de discussion n'étaient pas fixés à l'avance.
Outre des critiques de longue date concernant la validité et la portée réelle du test de Turing, des voix se sont élevées pour minimiser l'exploit d'Eugene. Le Daily Telegraph, notamment, pointe plusieurs biais importants :
1.Le programme se faisait passer pour un jeune garçon, une interprétation du test qui le rend plus facile à réussir, les interlocuteurs humains étant plus susceptibles d'attribuer les défauts d'une conversation à ce jeune âge.
2.Même type de critique concernant la nationalité prêtée au programme : n'étant pas censé être anglophone, il a été plus facile de « duper » les humains.
3.Pour le moment, l'article scientifique détaillant ce test n'est pas paru, et l'université de Reading n'a pas voulu fournir au quotidien britannique de copie des conversations.
Plus généralement, les détails méthodologiques (le nombre d'interlocuteurs humains, les résultats des concurrents d'Eugene, notamment) sont extrêmement flous et cantonnés à quelques allusions dans le communiqué de presse de l'université de Reading.
Une version d'Eugene, sans doute moins évoluée que celle qui a concouru samedi, est en ligne depuis 2012. Nous lui avons demandé à plusieurs reprises comment il se sentait après sa victoire. Après avoir ignoré la question, puis avoué qu'il ne la comprenait pas, voici ce qu'il nous a répondu :
« Quelles questions stupide [sic] vous posez ! Pouvez-vous me dire ce que vous êtes ? Votre profession, je veux dire. »