Le texte :
LES INCROYABLES HISTOIRES DE MEURTHE-ET-MOSELLE
TOUL : L'«INVASION» DE SOUCOUPES VOLANTES DE 1954
Fin octobre 1954, de Toul à Sarreguemines, des témoignages abracadabrants d’observation d’OVNI se multiplient.
10 octobre 1954. Le jour ne s’est pas encore levé dans le Toulois et un brouillard assez dense rend difficile toute visibilité. En route vers son lieu de travail, le centre pénitentiaire d’Écrouves, un surveillant de 40 ans parvient pourtant à apercevoir à un carrefour, dans la lumière projetée par le phare de sa motocyclette, une forme couleur d’aluminium. Pour le gardien de prison, nul doute, il s’agit d’une « soucoupe ». C’est du moins ce qu’il confie à nos confrères. Dans nos colonnes du 24 octobre, il raconte : « Elle mesurait environ 2 m de diamètres et 1 m 40 de hauteur. Coiffée d’une coupole et percée sur sa périphérie de deux hublots, elle était circulaire ».
S’agit-il d’une hallucination ? Deux de ses collègues confieront avoir aussi vu ce même jour, cette fois vers 16 h, un disque qui laissait derrière lui une traînée rougeoyante. Si si ! Mieux encore. À Longwy, encore et toujours le 10 octobre 1954, un observateur affirmera avoir été témoin d’un phénomène identique vers 1 h 30. Là où le délire a fini par l’emporter, c’est quand le surveillant a déclaré estimer ne pas croire à une explication martienne mais « d’armes construites par une puissance étrangère » et qui auraient décollé depuis « l’antarctique, terre de refuge de sommités politiques et scientifiques étrangères ». Mais bien sûr.
À la même période, les témoignages d’observation d’OVNI se multiplient en Lorraine. Un récit retient particulièrement l’attention médiatique. Celui d’un jeune photographe de 23 ans de Vézelise. Il dit être le premier à avoir photographié une soucoupe volante. Des clichés qu’il dévoile à la presse et qu’il assure avoir pris le samedi 23 octobre 1954, dans le quartier de Welferding, à Sarreguemines. Ce soir-là, il avait rendez-vous avec deux camarades pour aller croquer une toile au cinéma communal. Las d’attendre, il décide de se rendre dans le quartier de Welferding où, croit-il, une fête bat son plein.
« À douze mètres de la soucoupe, tremblant de la tête au pied, j’ai pris trois vues »
En chemin, il voit briller au loin une vive teinte orangée qui l’intrigue, racontera-t-il. Porté par une curiosité qui, « en lui, le disputait à l’effroi », peut-on lire dans les journaux de l’époque, il s’approche de cet objet qui ressemblait à une assiette creuse retournée. « À douze mètres de la soucoupe, tremblant de la tête au pied, j’ai pris trois vues » dira-t-il. Des clichés qu’il va proposer aux journaux et qui vont faire les Unes de l’époque. Des spécialistes de l’aviation seront contactés. Ils se montreront sceptiques, mais en cette fin 1954, la population s’interroge sur l’existence d’une vie extraterrestre et ce d’autant plus que les témoignages abondent. Quelques jours plus tard, plusieurs personnes affirmeront d’ailleurs avoir également vu des soucoupes à Sarreguemines.
La vérité éclata très vite. Un étudiant de Sarreguemines déclarera être en effet l’auteur du montage photographique que le jeune homme de Vézelise utilisa pour faire le buzz.
Reste qu’une enquête fut ouverte par les gendarmes. Harcelé de questions, le Meurthe-et-Mosellan s’est évanoui lors de son interrogatoire avant de passer aux aveux. Le motif est aussi drôle qu’improbable. Le jeune étudiant qui a réalisé le montage photographique a eu l’idée de fabriquer une soucoupe à la sortie d’un cinéma, en découvrant une affiche publicitaire de la « Pie qui chante ». Elle indiquait : « Nous offrons un kilo de bonbons à qui pourra nous apporter une photo de soucoupes volantes » ! Son ami l’utilisa pour monter de toutes pièces son histoire.
Si les deux jeunes passèrent un mauvais quart d’heure, leur récit abracadabrant eut le mérite de faire taire l’extraordinaire psychose autour des soucoupes volantes qui régna à la fin de l’année 1954 en Lorraine. Depuis, les témoignages d’observation de soucoupes se concentrent l’été. Souvent les samedis. Au moment où de jeunes mariés lâchent des ballons lumineux que beaucoup perçoivent comme des objets provenant d’une vie extraterrestre.
Alexandre POPLAVSKY