Cette première partie de l'expérimentation planeur a eu lieu le mercredi 14 mars 2001 au départ de l'aérodrome de Château Arnoux Saint-Auban (LFMX). Elle mettait en œuvre 9 planeurs tous équipés de transpondeurs mode A et C, ainsi qu'un DR 400. A 13h45, 9 planeurs étaient en vol. Ils ont d'abord été largués vers 6000 pieds pour monter ensuite aux environs du niveau 100. L'expérimentation s'est clôturée à 14h30. Compte tenu du court préavis (inférieur à 24h), il n'a pas été possible de réaliser la partie ACAS le même jour. Les différents intervenants suivants ont été impliqués:
- CFHN, qui a mis en place 9 planeurs,
- CRNA SE avec un contrôleur en position d'observateur,
- STNA 3 et 4, en observateur au STNA sur les positions ELVIRA et STNA 7 qui procédait aux enregistrements radar.
Traitement monoradar
L'analyse effectuée devait utiliser les enregistrements réalisés sur les radar de Montpellier, Grasse et du Mont Ventoux. Cependant, l'expérimentation s'étant déroulé au plancher indiqué (FL90) par le vol de calibration et l'étude préliminaire, la couverture du radar du Mont Ventoux s'est avérée très limitée et seules les données des deux autres radars ont pu être utilisées.
Les résultats des analyses démontrent que:
Sur la zone de couverture totale des radar, les performances restent dans les exigences des normes Eurocontrol et l'on ne constate pas de problème de traitement,
Sur la zone où opèrent les planeurs, par contre, les performances sont considérablement dégradées. En effet, au niveau des planeurs uniquement, le taux de détection est inférieur à 80% et l'on s'aperçoit que les modes A et C reçus sont invalides la majorité du temps (respectivement 60% et 90%!). En outre, le fait d'avoir le même code transpondeur ou des codes différenciés ne changent rien à la situation. Cette situation interdit, bien évidemment, toute possibilité de fournir un affichage quelconque au service du contrôle aérien.
Concernant le trafic de survol, celui-ci est apparu très tardivement alors qu'il était en vol dès le démarrage de l'expérimentation. Cette absence reste inexpliquée. Un fois détectée, on s'aperçoit que sa piste subit de nombreuses perturbations quand il se trouve dans l'amas de planeur mais que la détection est correcte en dehors (Voir figure 6). En conclusion, il existe un risque réel, mais non quantifié, de constater des échanges de piste pour de tels trafics. Une telle situation pourrait être acceptable pour des trafics en croisière, mais pourrait s'avérer perturbante en zone terminale.
Traitement STR
En préalable à toute analyse, il est nécessaire de noter que, du fait de la mosaïque STR pour la zone de l'expérimentation, cette analyse a été réalisée à partir des données obtenues en majorité du radar de la Sainte Baume, qui est un radar secondaire classique. En outre la poursuite ELSA est utilisée alors qu'elle est en cours de remplacement par ARTAS. Ces deux éléments jouent donc en défaveur des résultats obtenus.
L'analyse démontre que l'essaim formé par les planeurs crée un garbling tel que les informations reçues par le STR ne permettent pas d'afficher des données fiables. Près des deux tiers des détections radar reçues sont rejetées et ne participent pas à la poursuite. Le peu de détections utilisées explique les problèmes suivants:
Dans le cas du mode A commun à tous les planeurs, on obtient des trajectoires visiblement erronées voire indissociables les unes des autres.
Dans la seconde phase (mode A individuel), bien que tous les identificatifs apparaissent, les trajectoires erratiques associées ne permettent pas une lecture correcte de la situation aérienne.
Pour les modes C, le garbling génère des trajectoires en escalier non exploitables. On remarque aussi que les sauts constatés dans les trajectoires conduisent à afficher des informations de vitesse totalement absurdes (en particulier dans le plan vertical).
Concernant le trafic de survol, on constate, dans le plan horizontal, que des détections ne sont pas associées alors qu'elles semblent indiquer une trajectoire correcte et inversement des détections erronées sont associées à des trajectoires, provoquant ainsi de sérieux écarts de position. La conclusion s'avère donc similaire que pour le traitement monoradar. En vertical, par contre, les données obtenues ne semblent pas aberrantes.
Synthèse des observations opérationnelles
Cette expérimentation a été suivie par un contrôleur du CRNA Sud Est. Les principales remarques concordent avec les conclusions des analyses techniques et tendent à confirmer la quasi impossibilité d'exercer toute opération de contrôle dans une telle zone surchargée:
- Situation peu exploitable en cas de regroupement
- Planeurs avec des vitesses surprenantes
- Apparition tardive du trafic de survol
Expérimentation avion
Cette seconde partie de l'expérimentation s'est déroulée le 13 avril 2001 et a impliqué l'ATR42 de la DGAC ainsi que cinq remorqueurs du CFHN. La composition des équipages était la suivante:
- ATR 42: 1 Pilote instructeur SEFA (commandant de bord), 1 Pilote d'essai CEV, 2 ingénieurs d'essai CEV,
- Avions légers: 1 pilote d'essai CEV (leader) et quatre pilotes du CFHN.
La durée totale de cette expérimentation est d'environ 80 minutes. Conformément à la check-list établie avec les divers participants, les services de contrôle civils et militaires avaient été avertis, avec un préavis de 48h, de l'expérimentation pour activation de la ZRT.
Les enregistrements de l'ACAS furent récupérés en fin de vol et confiés au CENA pour être dépouillés. Afin d'affiner la compréhension des données enregistrées par le système ACAS de l'ATR42, il a cependant été nécessaire d'utiliser les données radar, dépouillées avec les outils du CENA, et d'organiser une réunion avec les participants de l'expérimentation. Cela a permis, en particulier, d'expliciter certaines situations paraissant plus que confuses, au premier abord.
Détection des intrus
Les dépouillements démontrent que l'ACAS détecte toujours des intrus, mais, dans le cas à 5 avions, n'en voit jamais le nombre exact. Le cas où deux pistes sont traitées est majoritaire mais il est impossible d'affirmer que cela correspond toujours aux deux mêmes aéronefs (l'ACAS n'utilisant pas le mode A). Comme pour la poursuite STR, il est fort probable que ces pistes soient générées à partir des pistes de différents trafics (existence de nombreuses pistes très courtes). Par contre, il est intéressant de noter que dans le scénario où deux avions sortent de l'essaim, leur probabilité de détection passe à 100%.Dans le scénario à trois avions, l'ACAS voit, ponctuellement, les trois mais le cas à deux pistes est là encore majoritaire.
Globalement, on peut noter que la probabilité de détection est bien meilleure lorsque les aéronefs sont étagés verticalement.
Enfin, il est aussi impossible de déterminer si les détections correspondent effectivement aux intrus les plus proches ou non.
Détection des autres trafics
Durant la période de l'expérimentation, l'ACAS a montré la présence de nombreux autres trafics dont deux permettent de tirer des conclusions intéressantes. Le premier a traversé la ZRT et généré un avis de trafic (TA) alors que le second se trouvait sous la ZRT.
Dans les deux cas, le TCAS a parfaitement fonctionné. Cela démontre que la présence d'une situation de fort garbling ne perturbe pas la surveillance dans les autres secteurs, voire même dans le même secteur puisque la piste des intrus y a été conservée, sans interruption.
Alertes TCAS
L'objectif des différents scenarii, au dernier près, n'était pas de générer des alertes de la part du TCAS mais de tester sa fonction surveillance. Dans les faits, on observe les alertes suivantes:
Scenario 2 - Passe 1 => 2 TA successifs
Scenario 2 - Passe 2 => TA sur l'intrus VFR
Scenario 2 - Passe 3 => TA sur un des aéronefs
Hors scenario => TA sur un intrus sans report d'altitude
Scenario3 - => TA sur un des avions pendant l'éclatement
Passe de recalage des altimètres => séquence complexe d'avis: (Voir encart 2)
TA, 2eme TA, perte TA, Climb, Maintain, réapparition TA, perte RA, Descend, Climb Now, Increase Climb, Clear of conclict
Scenario 4 => 2eme séquence d'avis:
TA, 2eme TA, Descend, perte TA, réapparition TA, Maintain, fin d'un RA, perte RA
Dans cette liste, il est évident que l'avis de trafic sur le premier intrus VFR n'était pas prévisible et n'aurait pas dû exister si cet avion n'avait pas pénétré la ZRT.
Le second intrus n'étant pas vu sur les traitements radar, il se trouvait donc à priori sous la ZRT. Sa vitesse de rapprochement et le fait qu'il ne reporte pas d'altitude explique cet autre TA. En conclusion, ces deux TA n'étaient pas prévus mais s'avèrent totalement justifiés.
Les autres alertes TA semblent pour la plupart intempestives et sont à priori causées par la mauvaise qualité de la poursuite en vertical, due au garbling. Les profils montrent, en effet, pour une même piste des sauts auxquels s'associent des vitesses verticales (impossibles à réaliser pour les aéronefs utilisés) et donc de rapprochement telles que des alertes sont générées.
Le premier scenario où est généré un RA correspondant à la phase de recalage altimétrique qui avait été requise en préalable au dernier essai. Deux principaux points nécessitent d'être pris en compte dans cette phase, par ailleurs fort complexe:
- Les alertes vocales semblent incohérentes (ordre à monter, à maintenir, à descendre puis à remonter) mais s'expliquent par le fait que le pilote de l'ATR n'a pas suivi les ordres car son intention est de se trouver à iso altitude des avions.
- Le plus gênant est la disparition subite du RA (perte de la piste) dans une phase critique sans que le message « Clear of conflict » n'apparaisse.
Le dernier scenario ne donne pas de meilleur résultat avec perte soudaine d'intrus et arrêt non signalé des RA. Dans ce cas, par contre, le pilote suit les ordres de manœuvre dictés par les messages oraux; il n'y a donc pas d'avis avec inversion de sens des ordres de résolution.
Informations écran de visualisation
Tous les dysfonctionnements identifiés précédemment ne permettent pas de fournir aux pilotes des informations propres à conduire une surveillance efficace et à acquérir visuellement les aéronefs concernés. En effet, dans le cas des scenarii à cinq intrus, ils ne visualiseront jamais le nombre total de trafics environnants et pourront constater des sauts soudains dans le plan vertical des trajectoires. Néanmoins, les pilotes pourront identifier une zone à forte concentration. La perte subite de trafics générant des RA ne sera pas non plus des plus rassurantes.
Le seul élément positif que l'on puisse tirer de ces différents scenarii est que ces anomalies ne perturbent pas la surveillance pour les autres secteurs.
Surtout quand le visuel n'est pas confirmé par les pilotes, mais que des gens au sol eux voient les ovnis et les avions, on ne peut plus parler de camouflage là...