Meessen a écrit une critique favorable à Bourdais (Roswell) et à Parmentier en 2004: http://www.meessen.net/AMeessen/Deux_livres.pdf
François Parmentier, OVNI : 60 ans de désinformation
Cet ouvrage a été publié en avril 2004 aux Editions du Rocher, dans la Collection Désinformation, dirigée par Vladimir Volkoff (ISBN 2 268 04989 2). L’auteur ne fournit pas d’informations autobiographiques, parce qu’il souhaite que son livre se suffise à lui-même. Par ailleurs, il a pris la peine de référer toutes les informations qu’il utilise. J’ai cependant pu entrer en contact avec lui, pour lui poser quelques questions, auxquelles il a répondu : « Je ne sais pas exactement comment j'ai été amené à m'intéresser à la question des ovnis. J'ai toujours aimé et pratiqué l'astronomie et suis un ancien sceptique. Je me souviens avoir été convaincu par le livre de Lagrange. En découvrant plus tard que j'en avais été victime, j'ai cherché à comprendre et me suis intéressé à la désinformation. » Cela mérite d’être signalé.
M. Parmentier présente un grand nombre de données concernant la réalité et les particularités de la désinformation qui empêche le public de prendre conscience des dimensions réelles du phénomène ovni et qui entrave lourdement son étude scientifique. Il analyse les mécanismes sous-jacents, comme on pourrait le faire dans un cours universitaire de sciences humaines. Ceci s’explique d’ailleurs par le fait qu’il a effectivement bénéficié d’une formation poussée en sciences politiques. Ce qui apparaît en filigrane et qu’il importe de percevoir est le fait que la désinformation qui est pratiquée au sujet des ovnis ne met pas seulement la démocratie américaine en danger, mais le principe même de toute démocratie.
Le livre est riche en informations (300 pages), mais je voudrais souligner leur importance, en explicitant certaines idées. La démocratie est une forme de gouvernement, où le contrôle est exercé par le peuple, donc par un très grand nombre de personnes. On suppose cependant qu’elles sont correctement informées et qu’elles réfléchissent de manière indépendante. Dans ce cas, les chances d’en arriver à des évaluations correctes et aux prises de décision appropriées sont nettement plus grandes que pour un chef unique ou un groupe de personnes, pouvant agir de manière arbitraire et en fonction d’intérêts particuliers ou d’une vision trop singulière. Ces considérations expliquent aussi pourquoi on fait encore toujours appel à un « jury d’assises ». Actuellement, la démocratie américaine et toutes les autres démocraties sont gravement menacées par le fait que les conditions citées ne sont pas respectées. L’opinion publique est manipulée par des groupes de pression, agissant le plus souvent de manière occulte et même parfois dans le plus grand secret, mais avec le consentement des hauts dirigeants. La liberté individuelle n’est pas assurée ou inopérante.
C’est cela qui constitue, à mes yeux, le thème fondamental de ce livre, bien qu’il traite du problème des ovnis. Ce problème est intéressant en lui-même, mais sous l’éclairage que fournit ce livre, il nous permet de nous rendre mieux compte de l’existence de failles très graves dans nos systèmes de gouvernement actuels. Elles sont particulièrement dangereuses quand elles nourrissent une ambition de domination impérialiste, ne reculant pas devant l’utilisation de moyens extralégaux. Malheureusement, on laisse faire, que ce soit par ignorance, facilité ou couardise. La désinformation en matière d’ovnis illustre ce problème d’une manière poignante, si l’on veut bien se donner la peine de se pencher sur ce sujet.
Sur la couverture arrière du livre de François Parmentier, l’éditeur précise : « Documents à l’appui, il explique en quoi les OVNI sont un sujet sensible et un enjeu stratégique faisant l’objet d’une formidable guerre de l’information, à laquelle la France n’est pas préparée. » Ceci ne devrait pas être interprété dans le sens qu’il faut apprendre à jouer le jeu de la désinformation et de la défense d’intérêts égoïstes, dit nationaux, avec encore plus de roublardise et désinvolture. On doit apprendre à percevoir et à dénoncer ces pratiques. Cela concerne tous les pays et tous les hommes. Cela concerne aussi la communauté scientifique.
Vladimir Volkoff nous avertit dans la préface que l’originalité de la désinformation en ce qui concerne les ovnis réside surtout dans des manœuvres de décrédibilisation du sujet, en le couvrant de ridicule. « On peut sauvegarder un secret par le silence, par l’intimidation, par de fausses pistes, mais la manière la plus sûre n’est-elle pas d’ôter l’envie d’en connaître à ceux à qui on veut le cacher ? » Cela revient à exploiter des tendances naturelles de la psychologie individuelle et sociale, car personne ne veut prendre le risque d’être ridicule ou d’apparaître comme ayant manqué de sens critique. Il y a des pressions sociales. En outre, il existe une propension à solidifier des préjugés dogmatiques, dès qu’on sent qu’il y a un risque de devoir changer des idées qu’on croyait évidentes et absolument certaines. On peut alors refuser de prendre en compte les faits qui dérangent. Il semble préférable de nier leur existence, bien que ce raisonnement soit inconscient.
Il en résulte que l’absence d’une prise en charge adéquate du phénomène ovni « découle, non du manque de preuves, mais de l’état des opinions communes et consensuelles, lesquelles sont largement modulées par la désinformation » (p.10). C’est l’idéologie qui domine, mais certains sous-groupes exploitent sciemment des mécanismes de désinformation pour atteindre leurs objectifs particuliers. « Aux États-Unis, la désinformation fait partie d’une stratégie globale de guerre de l’information » (p.13). À première vue, cela semble tellement ahurissant qu’on ne veut pas le croire. Personnellement, j’ai été fort marqué, dès mon enfance, par l’écoute attentive des discours d’Adolf Hitler et du propagandiste Joseph Goebbels, de même que les nouvelles qu’on pouvait capter à la BBC. Cela a développé en moi du sens critique et la capacité de vivre à la frontière, entre des réalités et des idées différentes. Pourtant, je n’ai jamais soupçonné qu’il était possible de concevoir et de réaliser un génocide aussi gigantesque que celui qui se pratiquait à cette époque. Le peuple allemand ne s’en est pas rendu compte non plus et cela devrait nous faire réfléchir.
Par des contacts personnels, j’ai appris à apprécier la générosité et l’efficacité des Américains, mais par mon analyse des mécanismes sous-jacents à la course aux armements, j’ai également appris à me méfier de la politique militaro-industrielle des États-Unis. M. Parmentier indique à juste titre que la désinformation au sujet des ovnis « fait partie de la politique mise en place par les autorités américaines pendant la guerre » (p.22), quand on travaillait dans le plus grand secret au développement des bombes atomiques. Les pouvoirs politiques et militaires ont alors appris qu’il était possible de mettre la science et les progrès techniques à leur service. Avec une organisation adéquate, on parvient même à détourner les scientifiques de leur idéal qui consiste à chercher la vérité et à appliquer les connaissances acquises de telle manière qu’elles puissent être bénéfiques pour tous les hommes. Le contrôle de la créativité humaine en matière technologique est devenu un élément essentiel de l’idéologie des milieux politiques, des stratèges et des services secrets américains. « La manipulation de l’opinion publique à des fins politiques » (p.14) va dans le même sens.
Ceci n’a pas seulement des conséquences locales. « Les États-Unis pratiquent l’inféodation des pays alliés, et font valoir l’idée du “domaine réservé”. Ils cherchent à dissuader les autres » (p.116) en leur donnant l’impression qu’ils ont étudié le phénomène ovni avec leurs puissants moyens et qu’il en résulte que cela ne vaut pas la peine de continuer à l’étudier, bien qu’ils le fassent eux-mêmes, en cachette. L’attitude malhonnête des Etats-Unis dans ce domaine a exercé une influence profonde sur la communauté scientifique internationale, puisque qu’elle s’est désintéressée de l’étude d’un phénomène qui a d’importantes implications scientifiques. Cela n’excuse pas du tout l’aveuglement de la communauté scientifique, mais établit une hiérarchie des responsabilités. Il est donc vrai que « les stratégies de secret et de désinformation sont constitutives de la question des OVNI » (p.52).
L’objectif essentiel des pouvoirs politico-militaires des États-Unis est de garder la maîtrise des avancées technologiques qui pourraient résulter d’une main mise sur un savoir-faire de civilisations extraterrestres, très en avance sur la nôtre. Par ailleurs, le fait que la superpuissance américaine soit incapable d’empêcher les intrusions de mystérieux objets volants au-dessus de son territoire et même au-dessus de ses installations militaires - ce qui inclut les silos de missiles nucléaires – peut sembler inavouable. Ceux qui tirent les ficelles, n’aiment pas non plus de ne pas pouvoir manipuler l’opinion publique à leur guise, en fonction des objectifs qu’ils voudraient poursuivre sans devoir en rendre compte. C’est encore une raison pour préférer «la logique du secret et de la désinformation» (p.66). Machiavéliquement, on dit alors qu’il faut éviter le danger de l’éclosion d’une panique. Le pouvoir politique et militaire des États-Unis ne peut pourtant pas faire abstraction de l’hypothèse ET, parce qu’il « importe de savoir quelles sont les intentions des éventuels visiteurs à notre égard. Une présence étrangère et technologiquement supérieure constitue un danger qu’il est déraisonnable d’ignorer » (p.83).
Alors, on continue secrètement à rassembler le plus de données possible et sans doute aussi à faire des recherches, en induisant la population en erreur. La désinformation amplifiante est particulièrement efficace. Elle « vise à semer la confusion en noyant les vraies informations sous un flot de fausses, souvent délirantes ou inquiétantes, pour ridiculiser le sujet et déstabiliser les gêneurs » (p.117). C’est le moyen privilégié, mais M. Parmentier détaille aussi d’autres formes de désinformation. Citons en particulier le noyautage de certains groupements ufologiques (p.99) et de la NASA (p.226), ainsi que le ciblage réducteur : « Choisir un cas dont un ou plusieurs détails peuvent être attaqués afin de fragiliser la cohérence d’ensemble et, en corollaire, se taire sur les cas qui n’offrent pas de prise » (p. 275).
D’autres « grands pays » ont tendance à adopter la même politique, ne fut ce que pour des raisons d’équilibre. Indirectement, ils la soutiennent et facilitent dès lors celle des États-Unis. Cette politique est arrogante, immorale et myope, car personne n’a le doit d’induire en erreur l’humanité entière sur une question aussi importante. Tôt ou tard, le mensonge sera dévoilé, puisque la nature même du phénomène ovni implique qu’on ne peut pas continuer à le dénaturer de manière permanente. Il y a continuellement de nouvelles observations et il ne s’agit pas simplement de papiers que l’on peut mettre dans un coffre-fort. J’ai déjà insisté à différentes reprises (aussi devant Monsieur D’Amato, p.239) sur le fait que dès que la vérité éclatera, les États-Unis perdront tout crédit moral. La malhonnêteté est insupportable. Le mur des mensonges sur l’importance et le traitement du phénomène ovni ne s’écroulera peut-être pas aussi brusquement que le mur de Berlin, mais il ne tiendra pas indéfiniment.
Tout cela étant dit, il importe quand même de noter que la problématique de la désinformation en matière d’ovnis a encore une autre source que la recherche de pouvoir politique et militaire. « Étudier la question des OVNI c’est amorcer un changement de paradigme dont on sait qu’il est semblable aux révolutions » (p.135). Beaucoup d’hommes - même parmi les scientifiques - ne veulent pas changer les idées qui sont à la base de leur vision du monde. « Une (nouvelle) idée n’est pas acceptée pour la part de vérité qu’elle contient, mais en fonction de sa capacité à être en phase avec les idées dominantes ou à la mode... La propension à l’aveuglement face à des phénomènes perturbant les représentations consensuelles de la réalité génère une désinformation particulièrement pernicieuse » (p.139). Cela peut même prendre la coloration d’un devoir missionnaire ou de croisade, comme le montre « le combat idéologique de certains groupes, se réclamant du rationalisme, pour qui la question des OVNI est l’ombre menaçante de l’irrationnel et de l’obscurantisme guettant nos sociétés en crise » (p.124).
Une attitude critique vis-à-vis de toute sorte d’idées farfelues et les courants ésotériques qui traversent notre société actuelle est indispensable, mais cela implique aussi que nous devons être capables de sens critique vis-à-vis de nous-mêmes. C’est plus difficile que de critiquer les autres. Il importe, en particulier, de ne pas mettre tout dans le même sac. Il faut discerner ce que nous ne comprenons pas de ce qui est faux, à cause de contradictions logiques et/ou de faits observés. Cela n’est pas nécessairement facile et on trouve toujours des personnes qui se déclarent « sceptiques », sans se rendre compte de leurs propres croyances.
C’est particulièrement déplorable pour des scientifiques. Je citerai comme exemple le cas du professeur Harald Lesch, astronome à l’observatoire de Munich. Il anime avec brio une émission régulière à la télévision bavaroise, où il explique de nombreux problèmes de type astronomique d’une manière très pédagogique et compétente. Mais parfois, il pense devoir s’opposer à ce que le phénomène ovni soit pris au sérieux. Dans l’émission que j’ai vue au cours de la nuit du 22/23 janvier 2004, il traitait de la question « sommes-nous seuls dans l’Univers ? » C’est une bonne question, mais la réponse ne l’était pas. Elle faisait état des résultats négatifs du programme SETI, sans considérer la possibilité qu’il peut être inutile pour des extraterrestres de nous mettre au courant de leur existence au moyen de signaux EM, envoyés à partir de planètes lointaines. Le professeur Lesch supposait que toutes les observations d’ovnis doivent résulter d’erreurs de perception ou d’interprétation. Il affirmait en particulier que les ovnis observés au cours de la vague belge étaient des avions ultra légers, en s’appuyant sur le livre de Werner Walter (UFOs Die Wahrheit, 1996). Celui-ci n’a jamais fourni la moindre preuve de cette assertion. Il n’a même pas fait d’enquêtes sur place.
Certaines personnes semblent avoir besoin de croire ou posent comme postulat qu’il est impossible que des extraterrestres puissent venir nous visiter. Par conséquent, ils sont obligés d’admettre que tout ce qui pourrait le prouver n’est pas réel. À leurs yeux, il faut que ce soit illusoire. Ce qui me choque, c’est qu’un scientifique de la qualité du professeur Lesch ne soit pas plus critique vis-à-vis de lui-même et qu’il utilise sa tribune pour propager une idéologie non scientifique. Je ne sais pas pourquoi il le fait. Je lui ai envoyé un courrier, mais il n’a pas daigné répondre. J’ai toujours dit que l’hypothèse ET n’est pas démontrée, mais elle est plausible quand on se base sur les faits observés et on doit analyser ceux-ci d’une manière scientifique. Pourquoi le professeur Lesch ne peut-il pas le dire ? Ce serait une occasion pour parler de problèmes non résolus et montrer ce qu’est une démarche réellement scientifique.
Et j'ai coupé la fin, sans intérêt, de l'article sur Parmentier.