Up !
Nous n'oublions pas ce joli bolide, et je peux vous dire qu'il y a un travail énorme de fait à son sujet. Travail qui fera l'objet d'une publication au sein de la collection Les Dossiers de Sceptic-Ovni quand il sera terminé !
En attendant, j'en profite pour vous donner quelques nouvelles :
- La revue
Koikispass (un papier spécifique au Cher et à la Nièvre) n°84 de décembre 2011/janvier 2012 nous a affligé de ce... comment dirais-je pour rester poli ?... truc :
(un grand merci à Marius pour cette trouvaille)
- Beaucoup plus sérieusement, heureusement, le GEIPAN vient tout juste de classer le bolide en PAN B : http://www.geipan.fr/index.php?id=202&cas=2011-10-02854
"Probable" rentrée de météorite ou débris spatial. Le classement est correct, et la détermination exacte du phénomène pose quelques questions à certains spécialistes (par exemple Karl Antier, dans
Astronomie Magazine).
Alors, bolide naturel ou rentrée d'un débris spatial ?
Et bien, sur Sceptic-Ovni, nous pouvons vous dire qu'il s'agissait d'un bolide naturel : Oncle Dom a merveilleusement bien illustré la chose, au vu de la vitesse du bolide, trop rapide pour être celle d'un débris spatial.
Vous ayant parler du futur dossier, je peux d'ailleurs vous proposer en exclusivité une petite partie, écrite par mes soins. Le texte n'est pas encore définitif, et il reste certainement des coquilles à corriger, mais cela donne déjà une idée de ce que vous pourrez lire.
Le bolide du 21 octobre : ce qu'il est et (surtout) ce qu'il n'est pasLe bolide 21 octobre a suscité de nombreuses interrogations de la part des témoins et des médias. Pour certains témoins, il était trop brillant et trop lent pour être un simple météore. Dénégation ô combien classique dans les témoignages de bolides, où l'on retrouve systématiquement ce type d'argument. Il faut dire que le phénomène des bolides est mal vulgarisé, et donc mal compris du public. Par exemple, parmi les témoins qui étaient à mes côtés lors de l'observation du bolide, quelques uns d'entre eux m'ont demandé pourquoi on appelait ce phénomène « bolide », alors que l'objet était beaucoup plus lent qu'une étoile filante classique.
Passons en revue l'éventail des hypothèses explicatives proposées pour expliquer ce bolide, avec les arguments en faveur et en défaveur de ces hypothèses :
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rentrée atmosphérique d'un débris spatial (satellite ou élément de fusée): de par sa lenteur apparente, sa brillance et son aspect multicolore, dans un contexte médiatique riche en chute de débris spatiaux (voir ci-dessus), l'hypothèse d'une rentrée atmosphérique artificielle pourrait paraître crédible. Mais de nombreux arguments sont complètement en défaveur de cette piste. Tout d'abord, la durée trop courte du phénomène, estimée entre 15 et 20 secondes, alors qu'une rentrée atmosphérique de satellite est beaucoup plus longue (au moins une minute). De même que la vitesse du bolide, incohérente avec une rentrée artificielle, comme nous le verrons plus loin.
Mais faisons fi de ces premiers éléments, et intéressons-nous aux rentrées atmosphériques ayant eu lieu ce jour-là. Le site
Space-Track (16) a enregistré six rentrées atmosphériques en date du 21 octobre 2011 : Thorad Agena D deb (17), un débris d'un étage de fusée américaine lancée en 1970 ; Ariane 44L deb (Spelda) (18), un élément de fusée Ariane 4 lancée le 4 juin 1997 servant à protéger la charge basse utile (ici, Insat 2D) ; trois petits fragments de l'ancien satellite chinois Fengyun 1C (19) (20) (21), détruit par un tir de missile en janvier 2007 ; et enfin, Cosmos 1461 deb (22), un petit fragment issu de l'ancien satellite militaire soviétique Cosmos 1461.
De tous ces débris spatiaux, cinq peuvent être très facilement éliminés, du fait de leur inclinaison orbitale par rapport à l'équateur. Le premier d'entre eux est l'élément Spelda, dont l'inclinaison de 6,78° par rapport à l'équateur le rendait totalement inobservable depuis les latitudes de France métropolitaine. Le débris de Thorad Agena ainsi que les débris de Fengyun 1C ne peuvent absolument pas coller avec la trajectoire apparente du bolide. En effet, ce dernier avait une trajectoire Ouest/Est particulièrement marquée, alors que ces quatre débris spatiaux étaient sur orbite polaire (inclinaisons orbitales comprises entre 96,67 et 99,66° pour cex objets). Si le bolide avait été provoqué par l'un de ces débris, il aurait dû avoir une trajectoire Nord/Sud ou Sud/Nord, mais pas Ouest/Est.
Ne reste que le débris de Cosmos 1461 qui, avec une inclinaison orbitale de 64,97°, pourrait, « à la limite », être compatible avec la trajectoire apparente du bolide. Dans la mesure où le phénomène est encore récent (quelques semaines au moment de l'écriture de ces lignes), il est possible de savoir où était ce débris au moment du phénomène, grâce au site Calsky (23).
Comme on peut le voir sur cette carte, reconstituée pour le 21 octobre 2011 à 18h00TU (20h00, heure de Paris), l'objet était totalement invisible depuis la France au cours de la soirée du 21 octobre (et encore fallait-il qu'il soit encore en orbite à ce moment de la journée).
Carte Cosmos 1461 deb
Bref, comme nous pouvons le voir, de toutes les rentrées atmosphériques enregistrées ce jour-là, aucune n'est compatible avec le bolide. Ajoutons à cela que le phénomène a une durée trop courte et une vitesse trop rapide pour une rentrée artificielle. Il est clair maintenant que le phénomène n'avait rien d'artificiel, et qu'il était par conséquent naturel.
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rentrée atmosphérique de ROSAT: c'était l'un des événements médiatiques du moment. Mais nous avons vu que, d'une part, le bolide n'avait rien d'artificiel, et d'autre part, que ROSAT est retombé au petit matin du 23 octobre, au dessus du Golfe du Bengale. Un débris issu de ROSAT alors ? Non, car aucun débris issu de ROSAT n'a été enregistré dans les jours précédents la chute du satellite (ROSAT n'a d'ailleurs jamais produit de fragments catalogués par le NORAD). De plus, ROSAT était en train de survoler le Pacifique au moment du bolide. La piste ROSAT est donc incompatible.
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rentrée atmosphérique d'un morceau de la fusée Soyouz lancée depuis Kourou: une piste d'ailleurs soutenu fermement par une poignée de témoins. Hélas pour eux, il est très facile de connaître le nombre d'objets mis en orbite lors de ce lancement, avec leur date de rentrée (s'ils sont rentrés dans l'atmosphère). Le lancement de la première fusée Soyouz depuis Kourou a engendré trois objets orbitaux : les deux charges utiles (satellites Galileo-PFM et Galileo-FM2) ainsi que l'étage de fusée porteur, alias Fregat R/B. Au vu de la très haute altitude de ces trois objets (orbites circulaires supérieures à 23 000 km), ils devraient rester en orbite pour les millénaires à venir. Les autres éléments de la fusée Soyouz sont retombés aussitôt après le lancement et n'ont pas été satellisés. A l'heure de bolide, cela faisait déjà plusieurs heures qu'ils traînaient au fond de l'Atlantique.
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un OVNI: dans la mesure où de nombreux témoins n'ont pas reconnu immédiatement la nature de l'objet observé et qu'ils se sont demandés ce que c'était, on peut légitimement parler d'un OVNI. Non pas une « soucoupe volante » (comme bien trop de monde peut faire le raccourci), mais bien un Objet Volant Non Identifié... par de nombreux témoins. Mais il serait maintenant beaucoup correct de parler d'OVI (Objet Volant Identifié) : non seulement les vidéos enregistrées du phénomène montrent clairement la nature météorique du phénomène, mais le phénomène a été immédiatement identifié comme étant un bolide par une partie des témoins (dont la majorité est constituée d'astronomes... Est ce vraiment un hasard ?).
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une Orionide: le bolide était un météore (alias « une étoile filante ») intervenant la même nuit que le pic d'activité d'un essaim d'étoiles filantes (les Orionides), aussi une explication simple serait que le bolide soit tout bêtement une belle Orionide.
Mais poser l'hypothèse Orionide n'est en rien une validation de celle-ci! En effet, encore faut-il que le bolide soit compatible avec une Orionide, un essaim d'étoiles filantes qui obéit tout de même à quelques règles astronomiques. En effet, les Orionides ont des caractéristiques particulières : outre le fait que ce sont des poussières de la comète de Halley (c'est ici anecdotique), les Orionides sont des étoiles filantes très rapides (vitesse de pénétration atmosphérique de 66 km/s) (20) semblant provenir, comme leur nom l'indique, de la constellation d'Orion. De plus, et c'est une condition [ i]sine qua non[/i], pour voir une étoile filante d'un essaim particulier, il faut que le radiant (25) de cet essaim soit levé, c'est-à-dire
au-dessus de l'horizon. Rappelons ici la remarque écrite par Didier Jamet, déjà citée plus haut : «
Cette nuit, Orion ne se lèvera qu’à partir de minuit, plein Est, donc inutile de tenter une observation avant. ». Les trois caractéristiques principales des Orionides sont totalement incompatibles avec le bolide ! Il était en effet bien trop lent (vitesse inférieure à 20 km/s) avec une trajectoire totalement inverse à celle qu'aurait pu avoir une Orionide : le radiant se levant en cours de soirée, il était donc vers l'Est. Or, le bolide avait clairement une trajectoire Ouest/Est. Enfin, à l'heure du bolide (21h06, heure légale), le radiant des Orionides était encore en-dessous de l'horizon, se levant deux heures plus tard pour la France métropolitaine (j'aurai d'ailleurs l'occasion d'admirer une belle Orionide en fin de soirée, ce jour-là).
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un météore naturel: malgré sa lenteur apparente et sa grande brillance, c'est l'explication la plus logique. Les images de l'objet montrent d'ailleurs un bolide tout ce qu'il y a de plus banal. La durée relativement courte du phénomène (15 à 20 secondes) est parfaitement compatible avec l'hypothèse d'un bolide. De même que sa vitesse, d'environ 13 km/s. C'est lent pour une étoile filante, mais bien trop rapide et incompatible avec la rentrée d'un objet artificiel. Rappelons ici que la vitesse orbitale d'un objet en orbite autour de la Terre est d'environ 8 km/s. S'il s'agissait d'une rentrée atmosphérique artificielle, la vitesse serait de cet ordre. On pourrait me rétorquer que 13 km/s n'est pas si éloigné de 8 km/s, par exemple. Certes, mais il y a une donnée essentielle : pour se libérer définitivement de l'attraction de la Terre et partir vers l'espace interplanétaire, un satellite doit atteindre la vitesse de 11,2 km/s. Un satellite qui atteindrait la vitesse de 13 km/s serait éjecté de l'orbite terrestre, il ne retomberait pas dans l'atmosphère (où d'ailleurs il serait fortement ralenti par les frottements). Voilà pourquoi la piste d'un débris satellitaire est incompatible avec le bolide du 21 octobre 2011.
La preuve ultime pour montrer que le bolide était un météore naturel serait la découverte de débris au sol, appelés
météorites. C'est ce que recherchent les participants de ce dossier, sans garantie de résultat (un bolide ne donnant pas obligatoirement des météorites).
Mais au fait : le bolide appartenait-il à un essaim particulier ? Nous avons vu que le bolide ne pouvait pas être une Orionide, mais peut-être appartenait-il à un essaim. En fait, non. A la date du 21 octobre, l'IMO (
International Meteor Organization) (26) référence plusieurs essaims d'étoiles filantes : les epsilon-Géminides, notées EGE ; les Orionides, notées ORI ; les Léo-Minorides, notées LMI ; les Taurides sud, notées STA ; et les Taurides nord, notées NTA. (27)
A l'heure du bolide, les radiants des trois premiers étaient encore sous l'horizon, et étaient par conséquent inobservables. Enfin, les radiants des deux essaims des Taurides étaient à l'Est, et donc parfaitement incompatibles avec le bolide. Ce dernier n'appartenait donc à aucun essaim particulier. On dit donc qu'il était sporadique, noté SPO.
Notes :
(16) https://www.space-track.org/ (il faut faire une demande d'inscription pour avoir accès aux données du site)
(17) désignation internationale 1970-025KJ, n° de catalogue USSPACECOM 5266
(18) 1997-027D, n°24822
(19) 1999-025FG, n°29862
(20) 1999-025ACW, n°30383
(21) 1999-025DXQ, n°36646
(22) 1983-044FY, n°33486
(23) http://www.calsky.com/
(24) http://pgj.pagesperso-orange.fr/meteor-carte.htm#ORI
(25) c'est-à-dire le point imaginaire d'où semblent venir les étoiles filantes d'un essaim
(26) http://www.imo.net/
(27) voir en particulier la liste des essaims visuels ici : http://www.imo.net/calendar/2011#table5
(pour des raisons indépendantes de ma volonté - petit bug informatique - je ne peux pas vous afficher la carte de la trajectoire de Cosmos 1461 deb
)
EDIT : vous pourrez noter que les numéros des notes débutent à 16, et pas à 1. C'est que ce paragraphe n'est qu'une portion de ma partie, qui débute par une contextualisation de l'époque du bolide, et se termine par un tour d'horizon journalistique. je n'ai mis que le paragraphe sur les hypothèses explicatives possibles, afin de ne pas surcharger mon post.