maxbill a écrit:Salut,
j'ai soumi la dernière version aux sceptiques du Québec pour avoir des réactions supplémentaires.
http://www.sceptiques.qc.ca/forum/viewtopic.php?p=162348#p162348
à suivre
J’ai lu les commentaires et aimerais répondre brièvement à deux critiques formulées, qui se rejoignent :
Par contre il y a une critique directe que j'aimerai émettre: tu parles de "dispositifs cérébraux spécialisés qui suggèrent automatiquement des explications à propos d’événements particuliers" pour parler des attitudes des croyants. or il ne me semble pas que l'on puisse réduire un individu quel qu'il soit à un déterminisme biologique (même si il existe) pur et simple.
En effet il y a autant de facteurs biologiques, que psychologiques ou encore sociaux. Un croyant émet une croyance en fonction notamment des mythes véhiculés dans sa culture ou dans un groupe social donné (sinon il n'y aurait ni christianisme, ni islam, etc...).
Je trouve que dans cette définition du croyant, l'influence du prosélytisme est négligée, alors qu'en pratique c'est de très loin ce qui crée le plus de nouveaux croyants. Pour l'enfant à qui on enseigne le christianisme et qui s'y tiendra aveuglément toute sa vie par exemple, je ne vois pas trop à quel moment l'intuition entre en jeu.
J'ai l'impression en lisant cette définition que le croyant, confronté à un phénomène, va s'inventer une explication intuitive et ne plus en démordre. Or, il me semble que dans le cas des religions, le croyant n'a même pas besoin de présumer de quoi que ce soit, puisque toutes les réponses sont déjà dans sa religion. Ces croyances sont avant tout institutionnelles, et non pas intuitives.
Ces explications des croyances religieuses par simples transmissions culturelles ne sont pas fausses (pour savoir à quelle religion adhère une personne, un assez bon moyen est de lui demander à laquelle croit ou croyait ses propres parents) mais elles sont insuffisantes : elles ne peuvent pas expliquer en particulier comment et pourquoi de nouvelles croyances peuvent naître (toutes ont forcément une origine dans le temps). De plus, les auteurs de ces posts cèdent à l’illusion du "théologiquement correct". Comme l'explique l’anthropologue Pascal Boyer, "de nombreuses expériences montrent que les concepts religieux effectivement utilisés par les gens (ou, si vous préférez, leurs intuitions relatives aux dieux ou aux esprits) peuvent être très différents, en pratique, de ce qu'ils décrivent explicitement, lorsqu'ils réfléchissent, comme étant "leurs croyances"." (La Recherche, mars 2002) En bref, un musulman ou un chrétien lambda ne se contente pas des concepts théoriques et réponses qui sont dans sa religion :
La compréhension intuitive que les gens ont de Dieu, souvent en désaccord avec la version officielle, consiste en inférences à propos de situations particulières. Ces inférences sont ce qui fait la vraie différence entre croyants et non-croyants. Les premiers, à la différence des seconds, ont des pensées concernant les réactions possibles de Dieu à telle ou telle action, ils ont l’intuition que certaines conduites sont honteuses aux yeux de Dieu, ils ont confiance en Dieu pour les protéger dans les situations difficiles, ils se demandent pourquoi Dieu les éprouve, etc. Ces pensées […] ne concernent pas la question générale de l’existence et des pouvoirs de Dieu, mais des questions pratiques : à quoi faut-il s’attendre tout de suite, et que faudra-t-il faire plus tard. […]
Ces pensées pratiques nécessitent l’activation de divers systèmes mentaux. Lorsque les gens prient, cela active le système mental qui traite les intuitions concernant la communication verbale. Lorsqu’ils promettent à Dieu de bien se conduire à l’avenir, leur système d’échange social leur donne l’intuition qu’on obtient un bénéfice (la protection) que si on en paye le prix (la soumission, dans ce cas). Lorsqu’ils supposent que Dieu sait ce que font les gens, cela veut dire que leur psychologie intuitive est activée. Lorsqu’ils considèrent une conduite immorale comme une offense à Dieu, leurs intuitions viennent de leur système moral émotionnel. (Boyer Pascal, Et l’homme créa les dieux. Comment expliquer la religion, Robert Laffont, 2001, pp. 309-310)
Et ce type de fonctionnement se retrouve chez les vrais croyants (c’est d’ailleurs le seul ajout qui me semble utile : utiliser l’expression "vrai croyant" pour la première définition) dans une pseudoscience. Il n’est guère besoin d’aller chercher loin pour en trouver un exemple. Il y a quelques jours, Marius a par ex signalé la (pseudo)fermeture du blog sur les ovnis de Christian Macé. Voici comment celui-ci explique cet arrêt, alors que "cela va faire depuis l'année 1969, alors que j'étais un adolescent de 16 ans, quarante ans déjà que je me passionne pour le phénomène ovni" :
les raisons de mon arrêt :
Tout simplement parce que ce sont toujours les mêmes types d'infos qui recommencent....ça tourne en boucle....
Tous les jours des ovnis sont répertoriés aux quatre coins du globe depuis des lustres....et ça change quoi ?
Nous en serons plus quand les "Intelligences" qui sont derrière le phénomène nous signifieront une bonne fois pour toutes d'où elles viennent. Mais pour l'instant il y a beaucoup de tromperies et de manipulations de leur part... Ces "Intelligences" d'Outre-Mondes maintiennent leurs camouflages présentement....
Au bout de 40 ans, "Cécé" continue ainsi de toujours produire ces inférences à propos de ce que pensent les "Intelligences d'Outre-Mondes", il se demande pourquoi elles ne se dévoilent pas à nous, etc.
Les théories sur l’origine des croyances se ramènent généralement à l’une des hypothèses suivantes : l’esprit humain a soif d’explications ; le cœur humain a besoin de réconfort ; la société humaine a besoin d’ordre ; l’intellect humain est enclin à l’illusion. Mais si l’on remonte plus en amont, l’explication la plus profonde actuellement disponible est celle que j’ai donné (ou plutôt celle que nous donnent les sciences cognitives), et elle découle donc de différences subtiles mais réelles de fonctionnement cérébral. Lorsqu’on a dit cela, on n’a bien sûr pas tout dit (il existe des bibliothèques entières à ce sujet) mais, à mes yeux, on a dit en quelques mots l’essentiel. (Je ne suis cependant pas opposé à ce qu'on rajoute encore une ligne de plus pour faire une allusion à la mémétique si certains y tiennent.)