Avant de soumettre mon travail à Nexus, je vous présente mes hypopothèses en exclusivité.
Le 30 juillet, Marc, technicien de la Ste **** est en retard pour achever son travail sur la centrale de ****. Marc est chargé d'établir une carte détaillée d'une zone désaffectée qu'on vient de déblayer en vue de futurs travaux commandés par EDF à un sous-traitant. Marc a prévenu la sécurité de la centrale qu'il ferait tourner un drone au-dessus de la zone en question et a eu toutes les autorisations nécessaire pour cela. Or la chaleur et le vent rendent difficile tout survol et Marc a préféré discuter avec un agent de sécurité le temps que la chaleur retombe un peu. Il était censé partir à 21H et n'a aucune autorisation pour le lendemain ; à cette heure, Marc se dit que le temps sera encore assez clair pour travailler, quitte à utiliser les deux projecteurs positionnés sur son drone. Marc achève son travail à 23h34, seulement en partant, c'est un nouvel agent de sécurité, et celui-ci s'aperçoit que le technicien n'a une autorisation que jusqu'à 21h. Toutefois, les deux hommes se connaissent pour s'être déjà rencontrés et avoir sympathisé au matin du même jour, et après quelques discussions, tous deux s'accordent pour établir le départ du technicien à 21h05. La main courante et le bon de travail sont ainsi falsifiés pour la bonne cause.
Trois jours plus tard, la plupart des responsables du site sont en vacances mais la centrale de **** tourne normalement, jusqu'à ce que Pierre ****, le responsable électricien chargé en temps normal du système de secours des sous-sols côté Nord mais rattaché pendant deux semaines au service de coordination des opérations « FUSOL« est informé par la gendarmerie qu'un survol de la centrale aurait eu lieu... l'avant-veille. Pierre **** n'a jamais été placé dans cette situation et se fie au ton peu préoccupé du gendarme l'informant par téléphone après avoir essayé en vain de passer par les canaux habituels, tous ses contacts connus étant absents. Pierre **** a quelques doutes et interroge pour se rassurer la secrétaire du responsable logistique. Celle-ci l'informe que les survols sont assez fréquents et qu'il n'y a pas à se soucier de « ces histoires« . Pierre **** ne consigne et ne rapporte aucun incident en ce jour, ne sachant finalement quoi faire en cas de survol, après tout... ce n'est pas, d'ordinaire, son travail.
En septembre, à la réunion trimestrielle du CU, quand on vient à discuter des résultats des opérations FUSOL, Ghislaine ****, responsable du service LTUIL chargé d'établir un rapport sur le trimestre en cours, prend la parole. Au terme de son très beau discours illustré à l'aide de Powerpoint 5.8 que lui a mis à disposition les services généraux de la section U de la centrale, Joseph ****, directeur général adjoint chargé de la sécurité extérieure, fait état d'un rapport remis courant août par la gendarmerie et ne semblant pas apparaître dans les statistiques de Ghislaine ****. Ghislaine est formelle, aucun rapport de gendarmerie concernant un survol à cette période ne lui a été remis au cours de cet exercice. On se demande alors qui était alors responsable et le nom de Pierre **** est avancé. La réunion s'achève, cependant le lendemain plusieurs « responsables » sécurité sont réunis dans le bureau du directeur adjoint pour faire la lumière sur ce défaut d'information. Pierrick ****, qui s'est renseigné à la demande de sa supérieure hiérarchique, a pris contact la veille au soir par téléphone avec Pierre **** après de multiples appels au siège à la Défense pour disposer de ses coordonnées. Pierre **** est alors en déplacement sur un autre site, et lui confirme avoir entendu « vaguement » parler d'un rapport et en avoir même discuté avec la gendarmerie mais qu'il n'avait pas jugé bon d'en informer la hiérarchie, les « autorités » (à travers la gendarmerie) étant déjà au courant. En fouillant un peu, et après avoir demandé le PV de gendarmerie par fax, Pierrick **** retrouve l'existence d'un survol, lui, prévu, mais l'avant-avant-veille, et à une autre heure qu'indiquée par le PV.
La direction de la centrale est un peu agacée par cet incident et tout ce mystère aurait pu disparaître dans un nuage nucléaire si fin septembre, au mariage de Jacques **** et de Joséphine ****, deux anciens collègues d'Areva en venait à discuter de la sécurité des centrales. L'un deux, Marc **** dit avoir entendu dire par des collègues que la centrale de **** avait été survolée la semaine passée. Christophe **** en avait entendu parler mais affirme à son ancien collègue que toutes les centrales et l'armée, sont sur les dents depuis un rapport confidentiel rendu l'année précédente révélant des failles importantes de sécurité. Les zones seraient régulièrement violées sans qu'on en sache rien, et « les autorités » contraintes par des impératifs budgétaires préféreraient que ça ne s'ébruite pas. Marc ****, lui, croit savoir qu'il y a des informations qui passent mal et que certaines autorités administratives mettraient leur veto pour que ces informations ne filtrent pas. « Ah, oui... ça va loin ! » souligne Christophe **** qui ne se serait jamais cru si inquiet (« tout de même, Marc est ingénieur, se dit-il, tout comme moi, je lui fais confiance. »).
Le mardi suivant, Christophe **** fait part de ses nouvelles inquiétudes à un collègue qui lui confie que, de source sûre, les écolos prépareraient des opérations justement pour révéler les défaillances nombreuses des centrales en matière de sécurité. S'il y a eu des survols, ça ne peut être qu'eux. Le jour-même, Christophe décide d'informer son bureau des possibles dangers, mais à Areva on lui assure que le problème est parfaitement connu. Toutefois, le bruit de ces survols arrive aux oreilles du directeur financier qui lâche un « ils nous emmerdent ceux-là ! » mais par précaution il demande à Sylvain, **** directeur commercial chargé des relations clients IT (gros clients), de prendre contact avec EDF pour savoir ce qu'il en est.
De son côté, Christophe **** rencontre une personnalité écologiste qu'il connaît de longue date. Leurs rapports sont quelque peu tendu, mais les deux hommes s'entendent malgré tout sur « beaucoup de constats ». L'homme se définit lui-même comme un activiste et est souvent assez prompt à surinterpréter les informations apportées par ce qu'il nomme sa « source », Christophe ****, n'hésitant pas à signaler à ses amis activistes que cette source est un ingénieur « bien placé et bien informé des risques pour les vivre au quotidien dans son travail vrai de tous les jours ». Cet activiste, dont je tairai le nom par respect pour ma mère, aime souvent se distinguer auprès de ses amis activistes en déformant les dires de cet ingénieur alors qu'en compagnie d'individus plus « sceptiques » et moins enclins à partager ses idées, il prend soin de modérer ses propos et de rappeler qu'il ne tient en fait ses informations que d'une seule source ; ceux qui le connaissent bien savent donc qu'il a tendance à exagérer quelque peu, et que cette « information » a tendance par la force des choses, encore par la suite, à être transformée dans une sorte de téléphone arabe ininterrompu. Il est à signaler que cet homme a par ailleurs été témoin en 1988 d'un phénomène étrange à Amsterdam. Ne s'étant confié qu'à sa famille, et suite aux moqueries, notre homme dit depuis n'avoir aucun doute sur l'imbrobabilité que des entités extraterrestres visitent la terre – un retournement exceptionnel le faisant passer selon ses dires du côté des « sceptiques » sans toutefois que son intérêt ne s'effrite depuis lors pour... les ovnis (cet homme est un membre bien connu du forum FOU et est considéré comme « sérieux » et « mesurément sceptique » – en privé, il a une fois avoué « espérer qu'il y ait quelque chose [d'exotique] » mais qu'il tenait à rester « sérieux et crédible »).
Dans les jours qui suivent, EDF se voit informée de toutes parts du risque accru de survol par les écologistes et, à travers plusieurs responsables, prévient le Ministère de l'intérieur, celui de la défense, de la recherche, de l'éducation (parce que deux directeurs de cabinet des ministres respectifs sont des amis de promotion de l'ENA) et le bureau du Premier ministre. Tout cela sans aucune coordination.
Gendarmerie, services secrets, agences de sécurités, chiens, radars, tout le monde jusqu'aux ingénieurs, techniciennes de surface, cadres travaillant dans sur un site « à risque » , sont informés de la possibilité d'intrusions par des « activistes » , et en conséquence de se tenir prêts et d'informer tout mouvement suspect auprès des « personnes chargées de la sécurité » .
Partout, aux alentours des centrales, on se met à lever les yeux au ciel, on se questionne sur la nature de la menace à venir, et tous les fantasmes commencent à fleurir dans toutes les têtes. C'est déjà l'impression de Christophe ****, qui soupire quand on lui parle de sécurité des centrales, alors qu'il participe lui aussi à la psychose à l'intérieur-même de son service, et que comme on l'a vu plus tôt, n'est pas pour rien dans cette histoire...
Pourtant, on ne voit toujours rien venir.
On est toujours fin septembre. C'est allez très vite. Et Greenpeace qui préparait une opération pour sauver les anchois putzulu du golf du Lion est mis au parfum par un autre petit groupe d'écolo (qui n'est pas le même fréquenté par l'homme dont je tais le nom par respect pour ma mère) et décide de faire sa propre enquête pour savoir qui pourrait être derrière des survols possibles de centrales nucléaires. L'organisation dispose pour cela de ses propres drones et il se murmure déjà qu'il serait bien utile des les y envoyer pour y voir un peu plus clair.
A force de lever les yeux au ciel, les différentes autorités se rendent compte de la difficulté de faire le tri entre les rapports d'observations qui commencent à arriver, et les survols « certains pour lesquels elles [les autorités] ont encore aucune certitude » (l'expression est la retranscription fidèle d'une personne compétente et fictive faisant référence en matière nucléaire).
Le 2 octobre, le sergent Syracuse (c'est son nom de code), des services très spéciaux, prépare son engin, le dernier né des drones secrets américains offert par les Israéliens il y a maintenant bien trois ans, et qui va enfin avoir l'occasion de montrer « ce qu'il sait faire » en opération (on jugeait jusque là qu'il était trop précieux pour s'en servir au Moyen-Orient ou en Afrique, les États-Unis ayant d'ailleurs eu vent de ce « cadeau » offert au Président Sarkozy, mais craignant très fortement la perte d'un de leurs appareils au profit d'ennemis, fait pression pour que la France s'en serve le moins possible ; une opération sur le territoire français est donc l'occasion idéale pour tester le précieux et inutile joujou). Beaucoup d'officiels sont présents : le directeur du cabinet du ministre de l'intérieur est sur place, tout comme son collègue de la défense, et bon nombre d'officiers de l'état major trop heureux d'assister à cet événement secret. Syracuse manie donc son engin chéri, le propulse dans le ciel nocturne : direction la centrale ****. Le général **** interroge l'ingénieur Tintin attentif au moindre mouvement de son collègue sur sa console : « Et avec cet engin, vous pourrez détecter le moindre appareil entré sur zone ? » « Pas tout à fait, général, en fait nous pouvons procéder à la cartographie de tout le secteur, et si nécessaire, avec un objectif préétabli, le drone est en mesure d'attaquer une cible même mouvante. » « Donc un autre drone ? Puisque c'est de ça dont il est question ici, n'est-ce pas. » « Non, au sol. Aucun drone ne peut intercepter et encore moins prendre en chasse un autre drone. Nous laissons ça à vos collègues chargés de sécuriser l'espace aérien, et notamment autour des centrales. » « Je vois. Cet engin sert donc à rien dans le cas présent. Un joujou de l'armée américaine bien inutile en dehors des théâtres d'opérations à l'étranger sur lesquels nous ne disposons d'aucun feu vert. » Jusqu'à minuit, les services spéciaux procèdent ainsi plusieurs heures durant au survol d'une centrale dans le plus grand secret. A 0h10, le directeur du cabinet du ministre de l'intérieur reçoit une alerte cryptée sur son compte Facebook : le Ministre vient d'être informé du survol d'une centrale par un drone. « C'est pas trop tôt. Je le rappelle tout de suite. Trois heures tout de même depuis le survol. »
Au débriefing le lendemain, après pas mal de confusion, on comprend que la centrale nucléaire dont il est question n'est pas du tout celle visée par les services spéciaux avec leur « joujou ». Le quiproquo mettra trois jours dans les « hautes sphères » de l’État pour être dissipé. Pendant tout ce temps, personne n'y comprend plus rien, mais chacun des responsables, chacun dans leur domaine de compétence et de responsabilité, se promettent de faire toute la lumière sur cet étrange mystère. Pendant trois jours de suite, certains activistes sont filés, on pense même à user de la garde à vue car il est trop difficile de les filer tous, mais on craint le scandale produit par de telles gardes à vue et pour un résultat très improbable. Chaque soir ou presque, de nouveaux survols sont signalés.
Beaucoup plus loin de là, et une semaine plus tard, le ministre de la défense albanais plaisante avec un subalterne : « Ils me font bien marrer ces Français, tu as vu toute l'agitation depuis que notre SkyEyeTry a survolé l'espace aérien français ? Nos services avaient même aucune idée qu'ils étaient en train de survoler une centrale nucléaire ! Le Président nous avait mis au défi de lui ramener des images du Mont Saint-Michel avec cet engin qu'on a réussi à remettre sur pied après qu'il soit littéralement tombé du ciel l'année dernière ! Et les photos, on les a ! Le Président est ravi. Mais il nous interdit désormais de le faire voler. Il a une idée derrière la tête : il compte bien en temps voulu s'en servir, et si besoin, pour monter Français et Américains l'un contre l'autre. Après tout, c'est un engin américain ! On dit qu'ils ont perdu pas moins d'une dizaine de ces drones partout dans le monde. Tu imagines si tout le monde se mettait à faire voler ces engins ?! Ils me font rire. Depuis l'autre jour, les survols n'ont pas arrêté : mais on est responsable que d'un seul ! Cette histoire est vraiment tordante... »
Le 12 octobre, Marc ****, notre technicien à l'origine de tout, prépare un barbecue avec des amis modélistes sur l'aérodrome de ****. Des gendarmes viennent les interroger. Marc **** évoque ses interventions dans des centrales, ce qui attire l'attention des gendarmes. Mais Marc leur affirmant que c'est plutôt fréquent avec sa société, que tout est fait avec autorisation, le jour, et sa dernière intervention ayant eu lieu en août, les gendarmes n'insistent pas. Ses amis l’interrogent à leur tour une fois les gendarmes partis, et tous se moquent de la sécurité « passoire » des centrales. Marc se garde bien de dire qu'il a lui-même falsifié ses heures de travail lors de sa dernière visite. « Je suis bien placé pour en parler ! » lance-t-il une ou deux fois. Il ne sait pas à quel point.
Le même jour, plusieurs engins survolent le territoire français. Peu dans les zones « interdites », peu référencées. Mais « les langues commencent à se délier » quand EDF décide de porter plainte. « Il y en a marre ! personne ne nous écoute ! Jamais vu un tel bordel ! » se serait énervé le Président de la veille sécuritaire EDFiante. Un haut responsable, en réponse, se serait offusqué :« Mais on ne sait même pas si ces survols sont confirmés ! Pour l'instant ce ne sont que des rumeurs. Je vous assure qu'on a rien. » « Vous m'emmerdez ! l’État me dit la même chose, les ministères... d'où viennent ces rumeurs ?! Donc j'en ai marre, je porte plainte, ils devront bien réagir ! » « Mais « ils » qui ? » « C'est toute la question de ce grand bazar ! »
Alerté par les médias plus que par les autorités françaises, Angela Merkel convoque ses services de renseignements. Nous sommes le 14 octobre. La chancelière dit ne pas faire confiance aux Français, et encore moins à leur leader, Ubu Roi, pour révéler le fin mot de tout cet étrange mystère des drones survolant le parc nucléaire français. Elle insiste pour que ses services se mettent sur « l'affaire » et demande à ce qu'on lui apporte des réponses dans les dix jours.
De son côté, Obama, entre deux réunions de déprime gouvernementale, voit les directeurs de la NSA, de la CIA, et quatre gradés de l'aviation, mains dans la mains pour la première fois depuis des années, et s'accorder pour lui demander de faire pression sur les républicains et faire voter des fonds spéciaux dans le cadre du développement de la recherche en matière de drones furtifs qui « battrait de l'aile » (en français dans le texte). « C'est quoi le problème, messieurs ? Vous ne disposez de pas assez d'appareils ? Vous croyez que les républicains vont vous donner aussi simplement du pognon pour des drones ? » « Monsieur le Président, il y a comme un hic avec les Français... » « Il y a toujours un hic avec eux : une petite frappe amicale dans le dos et ça repart... » « Monsieur le Président, nous avons étudié la question et nous pensons qu'il y a un risque... indéterminé, et ce risque n'est pas bon pour les affaires, vous le savez bien. Il faut aider les Français à disposer au plus vite d'une réponse adéquate. » « La meilleure réponse est toujours donnée par la communication. Que font les conseillers de M. Ubu ? » « Ils sont nuls, monsieur le Président. Et M. Ubu est au plus bas dans les sondages, on dit même qu'il est sur le point de mettre sa culotte à l'envers... » « C'est la France après tout, je ne vois toujours pas le risque... » « Nous insistons, monsieur le Président, nous ne parlons pas seulement de risques, mais de risques indéterminés. » « Encore l'une de ces étranges subtilités du vieil incontinent... Des mouches sur des fromages qui puent, vous y voyez quelque chose d'étrange vous ? » « Ce n'est pas une plaisanterie, monsieur. Nous pensons que cela peut venir des Russes grâce à du matériel... américain. A un groupe islamiste... indéterminé. A des activistes radicaux... américains. Nous avons même pensé à l'Allemagne... Mais quoi qu'il en soit, nous pensons surtout qu'il y a un réel risque pour la sécurité européenne, donc pour la nôtre. » Obama prend un air faussement sérieux et imite un personnage dans l'un de ses films préférés : « Abandonner ? alors que nous n'avons jamais été aussi proche de la victoire ? » « C'est une question sérieuse, monsieur le Président. » « Très bien, hum, disons... mettez toutes les forces nécessaires pour l'établissement de la vérité. » « La communication, monsieur le Président ?... toujours ? » « Toujours, général. Faites savoir au père Ubu que je mets quarante conseillers en communication à sa disposition. »
Les observations se multiplient, les plaintes d'EDF aussi. Le mystère reste intact et les ufologues s'emparent du « dossier ». Au premier rang de ceux-là, le Président de la France, père Ubu, grand admirateur du ciel devant l'éternel. Le 27 octobre, Ubu crée un compte sur un forum d'ufologie, désespéré de voir que ses « services » sont incapables « d'attraper une mouche dans un bocal ». Il se plaît à émettre, une semaine durant, les hypothèses les plus abracadabrantesques, espérant, que comme son amie Julie G. lui avait appris à propos de la psychanalyse, la vérité puisse surgir à tout moment de la parole même : « le dire, c'est un peu donner sens à la réalité ». Une vraie intello, cette Julie ; « Point G. » comme la nomme le Président Ubu. Il suffit de faire apparaître l'obscurité dans la lumière pour que les mystères disparaissent d'eux-mêmes. Évident.
Le 1er novembre, l'administrateur d'un forum ufologique, de son vrai nom, Benji Deltaplane, affirme dans la section dédiée à la modération : « Gardez-le pour vous, mais comme nous en avions la certitude depuis quelques temps déjà, nous sommes surveillés par les plus hautes sphères de l’État ; en effet, comme vous pouvez le voir concernant le compte de ****, l'IP identifie une connexion à partir... de l’Élysée ! donc prudence ! On ne laisse rien filtrer. On protège les témoins ! Cette histoire, c'est une bombe, alors faisons les choses sérieusement, et avec prudence ! » « Putain, grave... le forum dérange vraiment là. Peut-être qu'on parle de nous aux États-Unis, quelqu'un à vérifié ? »
Le 7 novembre, le chef islamiste, Cadifir Tarkweb el Malouf, réunie son service de presse pour réfléchir à la tactique à adopter en matière de communication concernant un futur attentat qui devrait avoir lieu à **** dans le courant du mois. A cette occasion, l'un des conseillers spéciaux, français, évoque le survol des centrales nucléaires en France. Tous se mettent alors à rêver d'une attaque terroriste visant l'Europe ou certaines capitales arabes au moyen de drones. Le soir-même, le chef se connecte à son compte Facebook, passe d'abord dix minutes à approuver les nouvelles clauses de confidentialité et presque autant à les configurer, réponds à ses messages personnelles, partage un lien youtube d'un groupe islamiste canadien, puis entre en contact avec un autre chef, d'une autre section, située à quelques dix milles kilomètres du site où il se trouve (c'est beau la technologie américaine). Celui-ci tempère son excitation concernant les drones : « On y a déjà pensé, et nous avons déjà des drones, mais nous nous en servons pour des missions très particulières et nous ne voulons pas prendre le risque de les perdre ; les informations qu'ils nous apportent sont trop précieuses. Je te rappelle qu'ici on fait la guerre. Je comprends ton intérêt à faire un nouveau 11 septembre, mais il faut des années pour monter une telle opération, même avec des drones. Ces engins ne peuvent être commandés qu'à partir des pays concernés, or nous disposons que de très peu de personnes sur place. Les djihadistes étrangers, on préfère les faire venir ici pour combattre ; au moins ils nous servent à quelque chose. Là-bas, ils se font repérer tout de suite, ils ne sont pas du tout discrets. Donc c'est irréaliste. » Cadifir Tarkweb el Malouf répond alors : « J'avais espéré que ça provienne de chez nous... » « Aucune chance. On a d'autres chahs à fouetter. Mais surtout, ne déments pas. C'est très utile pour nous, là-bas, il suffit de dire ensuite aux Français que ce sont des djinns. Tiens, je te file un lien vers un groupe facebook où certains entretiennent d'eux-mêmes cette idée. » « Ah oui, mais j'ai vu aussi que certains parlaient d'ovnis... » « Les ovnis sont des djinns ! » « Ahah ! sérieux, tu te crois en conférence de presse ! » « J'avoue^^. Bref, t'as compris l'idée : c'est ce qu'il faut dire. »
Le 17 novembre, le mystère n'est toujours pas résolu. Et les cas de survol ne cessent de s'agrandir. Toujours sur le pied de guerre, Angela Merkel décide d'appeler Poutine. Le Président russe en plaisante d'abord, comme flatté que la chancelière puisse lui attribuer à demi mots ces survols. Il plaisante même en lui demandant si à sa connaissance ces drones avaient de grandes moustaches, ce qui serait un indice que l'esprit de son ami Christophe de Margerie en soit à l'origine. Entendant son interlocutrice outrée à l'autre bout du téléphone, Poutine s'excuse en précisant que c'était le Président Ubu qui lui avait fait cette mauvaise blague. « C'est malheureusement digne de lui » admet la chancelière. Poutine propose alors que les journalistes de Voici se penchent sur la question, c'est encore eux les mieux placés à l’Élysée ; mais il doute que s'ils trouvent quelque chose que leurs sources soient partagées, « le respect des sources est primordial dans ce pays ». « As-tu envoyé des drones ? » « Je ne vais pas nier... D'accord, j'admets y en avoir un ou deux. Pour voir, pour tester. Cela semblait tellement facile. D'autant plus facile que si on perdait notre drone, il était de technologie américaine. Personne n'aurait pu faire le lien avec nous. Je n'ai aucun soucis pour l'admettre, c'est un fait entendu : l'armée américaine se prend pour Amazon. Ils ne livrent pas seulement des colis, les livreurs sont compris dans le prix. Nous en avons plusieurs à notre disposition, dont certains volent, oui. Et nous savons aussi, mais tes services le savent également, que d'autres de ces engins se promènent dans la nature. Ça va finir par leur retomber dessus, c'est une question de temps. » « Les Français ? » «Non, les Américains. Ubuland ne m'intéresse pas. Pour être franc, je suis persuadé qu'il y a beaucoup de fumée pour pas grand-chose dans cette affaire. Je te promets en tout cas, qu'à part peut-être un ou deux survols, nous n'avons rien à voir avec cette histoire. Les islamistes sans doute. Voire les services secrets américains. Mais je ne leur en crois pas capables. Oui, les islamistes tchétchènes sans doute. Ou bien les Kosovars. Les radicaux suisses aussi... Quand on y est allé, le ciel était bien rempli. Quelque chose me dit que l'armée allemande y a envoyé elle-même quelques drones. N'est-ce pas Angela ? » « Ah, euh... tu sais, moi et les maquettes... » « Tu n'as pas joué au petit train quand tu étais petite ? »
A peu près à la même période, courant novembre, le responsable de la sécurité d'EDF, Serge **** rejoint ses services sur un terrain de polo dans les Yvelines, pour assister à une démonstration tenue secrète en pleine nuit. Le petit groupe s'est fait passer pour une associations d'amateurs de modélisme à la municipalité qui loue le terrain. Le chef de projet « Éclair » commence sa présentation : « Comme vous le savez tous, les survols précédents des zones sensibles n'ont pas permis d'intercepter de drone. Sur 44 exercices, dont la moitié en coopération avec les services de l’État – les autres restant secret à la demande du Directoire car nous avons de sérieuses raisons de penser que des frondeurs socialistes sont impliqués dans ces affaires – 7 ont fait l'objet d'une « rencontre » avec un drone non identifié. Ce ne sont pas des petits drones, des joujoux, vous avez vu les photos. Ce sont des engins militaires. Nous pensons qu'il s'agit soit d'appareils étrangers, soit d'appareils bien français. Depuis le début, nous avons la conviction qu'au cœur même de l’État se joue une lutte d'influence, et un petit jeu dangereux, dont nous sommes les victimes. Nous ne savons pas s'il s'agit de discréditer le secteur atomique ou notre entreprise dans son ensemble, mais nous comptons bien parvenir à le découvrir grâce à ces deux nouveaux drones de très haute technologie achetés sur le marché parallèle. Ne riez pas, nous avons acheté l'un d'eux au gouvernement albanais. Il s'agit d'appareil de technologie américaine : on le sait parce qu'il y a des drapeaux américains un peu partout et que c'est trop compliqué pour nous, donc c'est forcément américain. Nous allons maintenant procéder aux tests. Messieurs, si vous voulez bien passer de ce côté. »
Au paradis des mythes, il y a deux, trois jours et des brouettes (ne pinaillons pas), deux loups se retrouvent pour dîner. L'un se fait appeler Mère Grand, l'autre Bête du Gévaudan. « Dis-moi, Bête, tu n'as rien à voir avec le survol des centrales nucléaires françaises ? Depuis que je te vois partir la nuit tombée pour la France, je m'inquiète pour toi et en suis même venu à te suspecter dans ces affaires de drones. Rassure-moi, ce n'est pas toi n'est-ce pas ? » Bête hausse les épaules, détourne les yeux comme offensé, reprend une gorgée de thé à la verveine préparé par Mère Grand, se force à sourire enfin et répond : « Vois-tu, Mère, si je m'absente la nuit pour rejoindre la France, c'est que je suis conseillé technique sur le prochain film de Mike Nichols, le Loup-Garou de Marseille. Je n'ai rien à voir avec ces drones, voyons ! » « Ah, mais je croyais que Mike Nichols était mort. » « Mère, Alzheimer n'est jamais trop loin avec toi ! Que crois-tu que nous sommes tous ici ? »
A l’Élysée, les quarante conseillers en communication envoyés par Obama à Ubu sont réunis aux sous-sols autour du bureau oblong, bureau inspiré de celui aperçu dans le film de Stanley Kubrick, Docteur Folamour. Le Président Ubu prend la parole, d'une voix enfantine et tout excité comme s'il était question de déterminer les cadeaux que chacun de ses conseillers à l'accent de films américains allait lui offrir pour le prochain Noël : « Alors les amis ! Vous avez la réponse de Voici ?! Ils sont Okay ? » L'un des conseillers s'avance, il a sur le revers de la veste un pin's « France » tout à fait ridicule, mais il s'exprime avec un étrange mélange d'accent bostonien et californien : « Ils sont d'accord, monsieur le Président. » Il fait un pas en arrière pour rejoindre les rangs des conseillers. Le Président Ubu lève les bras au ciel en exprimant son indescriptible joie, puis s'arrête soudain, en toisant suspicieux la légion des hommes en costume qui lui font face. Ubu se précipite alors sur le bureau, se tourne vers les conseillers qui n'ont pas bougé d'un pouce, se tend de tout son long à en perdre presque l'équilibre, et lève le menton comme pour chercher les erreurs dans le tableau qui s'offre à son regard perçant. Puis il se met à rire, un rire qui ressemble plus à un hoquet qu'à un véritable rire, et s'écrit : « Bougez plus ! Comme ça, on dirait une bite ! Ah !... Qu'est-ce que c'est drôle ! Une bite ! on dirait une bite ! Jamais vu un tel convoi présidentiel ! La classe, les gars ! la classe... américaine ! Ah !»
Là haut, en orbite, ce n'est pas la Hollande, mais le vaisseau-mère d'une race extraterrestre inconnue, qui se cache dans l'ombre de la lune. A bord, c'est réunion de crise. Le 17e en moins d'un mois UA. Monsieur Zzz se lève et prend la parole : « Je suis désolé, maître Knûl, nous avons quelques problèmes pour identifier clairement les auteurs du survol de ces centrales primitives. Cela reste un vrai mystère. Je tiens toutefois à excuser nos forces déployées dans cette histoire. En effet, vous n'êtes pas sans ignorer que depuis trois mois déjà le cycle menstruel de la lune est perturbé et nos ingénieurs doivent faire face à un bombardement d'énergie œstrénopodienne à la surface de la planète-mère habitée par ces entités barbares. Il est particulièrement difficile de travailler dans ces conditions, d'autant plus que mes services ont demandé des rallonges budgétaires par voie de presse à Unkilode qui pour l'heure sont restées lettres mortes ; or nous avons impérativement besoin d'or pour opérer sur cette planète. Seules trois entrées atmosphériques ont été possibles ces derniers mois, dont une pour vous permettre de vous reposer dans le parc naturel de Yellowstone. Dans ces conditions, je crains qu'il ne soit possible avant plusieurs mois de pouvoir établir la vérité... » Maître Knûl venait de se lever, c'était le signe qu'il allait prendre la parole. Tous les dignitaires firent silence et écoutèrent religieusement leur souverain : « Par le Grand Zeub ! assez de ces billevesées ! Nous savons tous ici qui se cache derrière leur petit doigt ripé dans cette histoire ! Les Reptiliens ! Nos éternels ennemis ! Débusquons-les jusque dans leur tanière de forbans puants et faisons-les frire avec ces termites de Terriens ! » La foule émet des applaudissements polis et se tourne mécaniquement vers Monsieur Zzz, comme habitué depuis des siècles à entendre les mêmes épaisses conneries. « Maître, soyons sérieux. Les Reptiliens n'existent pas. Ne cédons ni aux agrumes ni à la folie... » « Très bien, très bien... Parlons d'autre chose : qu'en est-il du service de désinformation infiltré. Est-il au point ? » Une petite créature grasse se lève pour prendre la parole, et s'éclaircit la voix d'une ubuesque toux avant de commencer son discours : « Hum ! Je peux affirmer sans trop me tromper qu'on ne s'est pas moqué de nous quant à la qualité de la nouvelle génération de benjamins. Ils sont très efficace. » « Par qui est géré la situation concernant ces centrales primitives ? » demande Monsieur Zzz. « (pseudo interdit dans ce forum). Il est parfait. Rien à dire à son propos. » « Il avait toutefois des prétentions de sérieux, selon... ses propres dires... » « C'est une ruse. C'est moi qui l'ai formé et je peux dire que j'en suis très fier. Mais je ne m'attribuerai aucun mérite : tout est à mettre à son crédit. En comparaison, benjamin a et f qui était alors nos meilleurs désinformateurs n'étaient pas aussi efficace. Refuser toute idée folklorique pour se faire valoir d'un imposant et indiscutable sérieux tout en affirmant la réalité d'un fait étrange pour mieux le discréditer, c'est une idée de génie ! Qui prend au sérieux « l'hypothèse intelligente » aujourd'hui dans ces sociétés primitives ? Personne. Nous n'existons pas. » « Très bien ! éclate alors maître Knûl. Mais tout cela ne nous dit pas ce qui se cache derrière ces putains de survols de centrales ! Des drones... laissez-moi rire. »
Un mystère.