DAR
Le sociologue-ufologue Lagrange est animé d'un intérêt particulier pour les ovnis, qui depuis de nombreuses années maintenant constituent son fond de commerce. Omniprésent dans les médias francophones, il y est actuellement considéré comme la référence intellectuelle en matière de parasciences. Au cours de la seule année écoulée, il a par exemple été l’invité principal sur France Inter, France Culture, France Info, Radio Suisse Romande, Radio Canada, Sud Radio, Canal Académie (souvent à plusieurs reprises sur ces mêmes stations de radio qui plus est), sur France 2, France 3, La Cinquième (chaînes de télévision publiques), dans de nombreux magazines, etc. Il se glisse avec autant d’agilité dans les milieux dédiés au paranormal que dans les milieux scientifiques.
Voyons d'un peu plus près lesâneries les réflexions intelligentes, forcément intelligentes :mrgreen:, qu'il déverse sur ses compatriotes et tous les autres francophones de la planète OVNI :
- Tout d'abord, le regard de Bruno Latour sur son élève Pierre Lagrange (asinus asinum fricat) parlant de parapsychologie :
"(Les parascientifiques) s’obstinent, au contraire, à poser à temps et à contre temps, la seule question qui leur paraît importante sans s’apercevoir qu’elle leur a été soufflée, en fait, par les rationalistes : "Est-ce que les phénomènes dont on parle sont vrais ou faux ?". Ce que j’ai découvert en lisant depuis bien des années les recherches de Pierre Lagrange, c’est que justement les seuls qui s’intéressent exclusivement à la mauvaise question "est-ce que ces faits sont vrais ou faux ?" ce sont les irrationalistes ! Voilà qui m’a toujours paru d’une bizarrerie stupéfiante. Ce sont les soucoupistes qui s’occupent exclusivement des faits vrais et des faits faux. Ce sont les parapsychologues qui s’obstinent indéfiniment à dire "Nous avons de vrais faits". Ce qui intéresse un vrai psychologue n’est pas du tout "Est-ce que c’est vrai ou est-ce que c’est faux", ça c’est une question importante certes, mais secondaire, une question d’intendance. C’est plutôt : "Est-ce que c’est intéressant ? Est-ce que ça mène quelque part ? Est-ce que ça permet de faire autre chose ?"
Or, les parascientiques (sic !) croient que la seule et exclusive question qui leur permet de répondre aux autres c’est tout bonnement, tout bêtement : "Est-ce que c’est vrai ?" Pour eux, si c’était vrai ça suffirait. Mais ça ne suffit pas. Dites à un scientifique qu’un phénomène vrai et il vous dira : "So what? Ça mène à quoi ? Ça permet de lier à quoi ? Quelle autre chose pouvez-vous en faire ? Est-ce que c’est bien construit ?" Voilà les bonnes questions."
- Un passage révélateur de la stratégie employée par notre sociologue-ufologue pour défendre les parasciences :
"depuis des décennies on assiste à des controverses sans fin qui se déroulent toujours dans les termes (im)posés par les rationalistes. Ainsi les parapsychologues s’escriment à répondre aux exigences de la preuve telles qu’elles sont posées par les rationalistes au lieu de s’appuyer sur la pratique scientifique telle qu’elle se fait normalement et de rechercher dans la pluralité des pratiques scientifiques les alliés dont ils auraient besoin."
- Un autre passage révélateur de la stratégie employée pour défendre cette fois plus spécifiquement l'hypothèse extraterrestre en ufologie, sans le dire bien sûr :
"(…) Après avoir montré que la sociologie des soucoupes devait suivre l’évolution des sciences humaines vers plus de symétrie, encore faut-il pouvoir concrètement mettre en pratique cette démarche sur l’exemple des ovnis. Il ne suffit pas de dire que la sociologie des ovnis doit être irréductionniste, il faut montrer en quoi cela change nos explications. Après avoir critiqué les explications réductionnistes des rationalistes et des nouveaux ufologues, il faut les remplacer par des explications sociologiques simples et convaincantes, et qui ne liquident pas les soucoupes. Au lieu d’expliquer comment les gens déforment la réalité, il faut démontrer qu’ils ne la déforment pas. Au lieu d’expliquer que les témoins sont influencés par un mythe extraterrestre, il faut montrer qu’ils ne sont pas plus influencés qu’un chercheur étudiant des faits scientifiques. Au lieu de montrer que les témoins sont naïfs, il faut montrer que ce sont les conceptions des sceptiques qui sont naïves."
- La lutte de Lagrange contre l'idéologie du Grand partage (son article de quincaillerie le plus vendu) :
"Nous aimerions pouvoir découper le monde en deux : d’un côté la culture rationnelle, scientifique, occidentale, de l’autre, la croyance, l’irrationnel, la pensée magique. Nous persistons à croire à ce « grand partage » contre lequel tant d’ethnologues ont lutté. Si ce partage, comme ils l’ont montré, n’est plus recevable pour penser la différence entre l’Occident et le reste du monde, pourquoi resterait-il pertinent pour penser celle entre science et pseudoscience ?"
- Quelques extraits significatifs de son ouvrage de 2005, La guerre des mondes a-t-elle eu lieu? (centré sur la fameuse adaptation radiophonique d’Orson Welles, en 1938, de La Guerre des mondes, le chef-d'œuvre du romancier anglais H. G. Wells, et sur la panique qu’elle aurait engendré) :
"Les commentateurs partagent l’idée que les gens ne peuvent réagir que de façon irrationnelle. Mais ce sont les plus rationalistes qui croient le plus que la foule va paniquer au-delà du raisonnable. Ils en sont d’autant plus certains qu’ils pensent que les gens croient à quelque chose qui n’existe pas. Et cette croyance leur paraît tellement aberrante qu’ils redoutent les pires réactions. Au contraire, les auteurs qui envisagent que les soucoupes existent ne sont pas unanimes sur la réaction à prévoir. Pour une raison simple : à la différence des rationalistes, ils ne pensent pas que cette idée de visites extraterrestres relève de la croyance irrationnelle. Aucune raison alors de soupçonner les gens capables d’une réaction irrationnelle. Etonnant paradoxe dans lequel c’est la croyance qui produit la sociologie la plus réaliste et le rationalisme qui invite au délire."
"Les commentateurs s’étonnent tous que les auditeurs aient pu croire que les Martiens débarquaient, mais aucun ne bronche lorsqu’on leur raconte que des milliers et des millions d’Américains ont cru à une émission radio." Pourquoi ? "Réponse : les Martiens n’existent pas alors que les gens crédules existent. Précisément, les gens crédules sont les Martiens des Intelligents. A chaque catégorie sociale ses croyances. Certains croient aux Martiens, d’autres croient aux gens stupides."
"Croire à la panique est devenu le signe de ralliement des gens sérieux. Mieux : ce « fait » permet de justifier notre vision de la société comme monstre d’irrationalité. (...) Car cette croyance a permis, pendant plusieurs décennies, de justifier le rejet des soucoupes volantes et les analyses rationalistes les plus dures. Ceux qui dénonçaient la croyance irrationnelle dans les soucoupes démontraient leur rationalité en affichant leur conviction dans la panique wellesienne."
Et Lagrange de s’en prendre aux sociologues et psychologues pris dans "un vaste mouvement destiné à démontrer que les soucoupes ne sont rien d’autre qu’une aberration populaire, un phénomène psychosociologique."
"Ce sont les rationalistes qui sont superstitieux en croyant que la science, comme une amulette, va les protéger de tout contact avec la réalité et faire disparaître toute forme de risques. Ce sont les auditeurs de Welles et les amateurs de soucoupes qui ont compris que le monde est une expérience continuelle."
Commentaire personnel : pour Lagrange, ce sont les rationalistes qui ont propagé la rumeur. Ce n’est pas entièrement faux mais lorsqu’on se penche sur les propagateurs de "la rumeur rationaliste" qu’il cite, on n'y trouve en réalité qu’un seul rationaliste militant, l’astrophysicien Evry Schatzman (ancien président de l’Union rationaliste). Les autres sont des journalistes, des critiques de cinéma, etc. On voit dès lors tout le parti pris de l’auteur. Pourquoi, selon lui, les rationalistes ont-ils cru à cette panique ? Parce que les "Intelligents" se plaisent à croire que le peuple est naïf, crédule, ce que cette histoire illustrerait à merveille. Ceux-ci se seraient emparés de cette affaire pour en faire un exemple de la crédulité populaire. Lagrange renverse la perspective : ce sont plutôt les scientifiques et autres rationalistes qui ont fait preuve de crédulité. Lagrange choisi une approche qui, au lieu de tendre à dissoudre l’opposition caricaturale entre populaire et scientifique, en vient à inverser le sens de l’opposition. Les rationalistes et les scientifiques passent alors pour des imbéciles, plus bêtes encore que ceux qui pourraient croire en l’existence des débarquements de soucoupes volantes… Lagrange tente toutes les attaques indirectes qu'il peut pour essayer de discréditer les ufosceptiques.
- Deux petits extraits de son dernier livre, Ovnis : ce qu’ils ne veulent pas que vous sachiez" :
"La "Nouvelle Ufologie" n’a rien à voir avec l’entrée en science d’une partie de l’ufologie. Elle témoigne au contraire de la volonté de ne surtout pas transformer les ovnis en objet de science, mais de relancer la polémique sur leur existence. Il faut insister sur ce point : en se ralliant au discours sceptique, certains ufologues n’ont pas fait de l’ovni une question scientifique, ils ont simplement accentué la controverse en s’arrangeant pour que le débat soit général et sans fin. Jusqu’ici les ufologues étaient au moins d’accord sur l’existence d’un résidu de cas inexpliqués."
"L’histoire des soucoupes met aux prises, depuis le départ, des savants qui sont persuadés que l’opinion est le lieu de tous les comportements irrationnels et irresponsables. Et les rationalistes, désolé de devoir le dire, sont, au fond d’eux-mêmes, des millénaristes. Ils vivent constamment avec la conviction que la fin du « monde savant et occidental » est proche, que les barbares sont à nos portes et qu’ils se sont déjà glissés jusqu’au sein de ses institutions. Les zététiciens (autre nom que se donnent aujourd’hui certains militants rationalistes) ont finalement peu de pouvoirs mais, s’ils venaient à en acquérir, certains d’entre eux au moins pourraient très bien se transformer en une véritable police de la pensée scientifique aux relents de maccarthysme."
Commentaire personnel : l'hypothèse psychosociale (autrement dit le modèle explicatif sceptique sur les ovnis) serait infalsifiable selon Lagrange parce qu’"elle permet d’expliquer tout" en imaginant des facteurs psychologiques. Puis "quand il devient trop facile d’expliquer, on explique plus rien" (sic !). Expliquer des cas ayant résisté des décennies serait donc facile selon lui. Lagrange ignore surtout dans son raisonnement que les explications sceptiques des cas se fondent sur des hypothèses qui sont soit confirmées soit exclues au fil des vérifications successives (l’HPS est donc réfutable) et que lui-même n’a jamais cherché à vérifier... Qui est donc dans la facilité ? Les conseils sociologiques sont plus faciles à donner que ne le sont les actions d’investigation concrètes sur les ovnis ou les études validées scientifiquement (psychologie de la perception, effet physiques allégués,...) qu’il faudrait mener à bien…
Par ailleurs, les ufosceptiques ne nient pas l'existence d'un résidu de cas inexpliqués, ils montrent juste qu'il n'est pas d'une nature différente de la masse des cas qu'ils ont déjà expliqués. ____çççç____
=> Ces divers extraits confirment que l’ennemi numéro un de Pierre Lagrange c’est le rationalisme, ou la distinction entre croyance et science : nous sommes bien en pleine démarche postmoderne. Il défend implicitement une thèse préconçue (l’existence d’ovnis d’origine exotique en l’occurrence), le Lagrange sociologue se mettant pour cela au service du Lagrange ufologue, tout en s’en défendant soigneusement, par la multiplication de tours de passe-passe rhétoriques.
Le sociologue-ufologue Lagrange est animé d'un intérêt particulier pour les ovnis, qui depuis de nombreuses années maintenant constituent son fond de commerce. Omniprésent dans les médias francophones, il y est actuellement considéré comme la référence intellectuelle en matière de parasciences. Au cours de la seule année écoulée, il a par exemple été l’invité principal sur France Inter, France Culture, France Info, Radio Suisse Romande, Radio Canada, Sud Radio, Canal Académie (souvent à plusieurs reprises sur ces mêmes stations de radio qui plus est), sur France 2, France 3, La Cinquième (chaînes de télévision publiques), dans de nombreux magazines, etc. Il se glisse avec autant d’agilité dans les milieux dédiés au paranormal que dans les milieux scientifiques.
Voyons d'un peu plus près les
- Tout d'abord, le regard de Bruno Latour sur son élève Pierre Lagrange (asinus asinum fricat) parlant de parapsychologie :
"(Les parascientifiques) s’obstinent, au contraire, à poser à temps et à contre temps, la seule question qui leur paraît importante sans s’apercevoir qu’elle leur a été soufflée, en fait, par les rationalistes : "Est-ce que les phénomènes dont on parle sont vrais ou faux ?". Ce que j’ai découvert en lisant depuis bien des années les recherches de Pierre Lagrange, c’est que justement les seuls qui s’intéressent exclusivement à la mauvaise question "est-ce que ces faits sont vrais ou faux ?" ce sont les irrationalistes ! Voilà qui m’a toujours paru d’une bizarrerie stupéfiante. Ce sont les soucoupistes qui s’occupent exclusivement des faits vrais et des faits faux. Ce sont les parapsychologues qui s’obstinent indéfiniment à dire "Nous avons de vrais faits". Ce qui intéresse un vrai psychologue n’est pas du tout "Est-ce que c’est vrai ou est-ce que c’est faux", ça c’est une question importante certes, mais secondaire, une question d’intendance. C’est plutôt : "Est-ce que c’est intéressant ? Est-ce que ça mène quelque part ? Est-ce que ça permet de faire autre chose ?"
Or, les parascientiques (sic !) croient que la seule et exclusive question qui leur permet de répondre aux autres c’est tout bonnement, tout bêtement : "Est-ce que c’est vrai ?" Pour eux, si c’était vrai ça suffirait. Mais ça ne suffit pas. Dites à un scientifique qu’un phénomène vrai et il vous dira : "So what? Ça mène à quoi ? Ça permet de lier à quoi ? Quelle autre chose pouvez-vous en faire ? Est-ce que c’est bien construit ?" Voilà les bonnes questions."
- Un passage révélateur de la stratégie employée par notre sociologue-ufologue pour défendre les parasciences :
"depuis des décennies on assiste à des controverses sans fin qui se déroulent toujours dans les termes (im)posés par les rationalistes. Ainsi les parapsychologues s’escriment à répondre aux exigences de la preuve telles qu’elles sont posées par les rationalistes au lieu de s’appuyer sur la pratique scientifique telle qu’elle se fait normalement et de rechercher dans la pluralité des pratiques scientifiques les alliés dont ils auraient besoin."
- Un autre passage révélateur de la stratégie employée pour défendre cette fois plus spécifiquement l'hypothèse extraterrestre en ufologie, sans le dire bien sûr :
"(…) Après avoir montré que la sociologie des soucoupes devait suivre l’évolution des sciences humaines vers plus de symétrie, encore faut-il pouvoir concrètement mettre en pratique cette démarche sur l’exemple des ovnis. Il ne suffit pas de dire que la sociologie des ovnis doit être irréductionniste, il faut montrer en quoi cela change nos explications. Après avoir critiqué les explications réductionnistes des rationalistes et des nouveaux ufologues, il faut les remplacer par des explications sociologiques simples et convaincantes, et qui ne liquident pas les soucoupes. Au lieu d’expliquer comment les gens déforment la réalité, il faut démontrer qu’ils ne la déforment pas. Au lieu d’expliquer que les témoins sont influencés par un mythe extraterrestre, il faut montrer qu’ils ne sont pas plus influencés qu’un chercheur étudiant des faits scientifiques. Au lieu de montrer que les témoins sont naïfs, il faut montrer que ce sont les conceptions des sceptiques qui sont naïves."
- La lutte de Lagrange contre l'idéologie du Grand partage (son article de quincaillerie le plus vendu) :
"Nous aimerions pouvoir découper le monde en deux : d’un côté la culture rationnelle, scientifique, occidentale, de l’autre, la croyance, l’irrationnel, la pensée magique. Nous persistons à croire à ce « grand partage » contre lequel tant d’ethnologues ont lutté. Si ce partage, comme ils l’ont montré, n’est plus recevable pour penser la différence entre l’Occident et le reste du monde, pourquoi resterait-il pertinent pour penser celle entre science et pseudoscience ?"
- Quelques extraits significatifs de son ouvrage de 2005, La guerre des mondes a-t-elle eu lieu? (centré sur la fameuse adaptation radiophonique d’Orson Welles, en 1938, de La Guerre des mondes, le chef-d'œuvre du romancier anglais H. G. Wells, et sur la panique qu’elle aurait engendré) :
"Les commentateurs partagent l’idée que les gens ne peuvent réagir que de façon irrationnelle. Mais ce sont les plus rationalistes qui croient le plus que la foule va paniquer au-delà du raisonnable. Ils en sont d’autant plus certains qu’ils pensent que les gens croient à quelque chose qui n’existe pas. Et cette croyance leur paraît tellement aberrante qu’ils redoutent les pires réactions. Au contraire, les auteurs qui envisagent que les soucoupes existent ne sont pas unanimes sur la réaction à prévoir. Pour une raison simple : à la différence des rationalistes, ils ne pensent pas que cette idée de visites extraterrestres relève de la croyance irrationnelle. Aucune raison alors de soupçonner les gens capables d’une réaction irrationnelle. Etonnant paradoxe dans lequel c’est la croyance qui produit la sociologie la plus réaliste et le rationalisme qui invite au délire."
"Les commentateurs s’étonnent tous que les auditeurs aient pu croire que les Martiens débarquaient, mais aucun ne bronche lorsqu’on leur raconte que des milliers et des millions d’Américains ont cru à une émission radio." Pourquoi ? "Réponse : les Martiens n’existent pas alors que les gens crédules existent. Précisément, les gens crédules sont les Martiens des Intelligents. A chaque catégorie sociale ses croyances. Certains croient aux Martiens, d’autres croient aux gens stupides."
"Croire à la panique est devenu le signe de ralliement des gens sérieux. Mieux : ce « fait » permet de justifier notre vision de la société comme monstre d’irrationalité. (...) Car cette croyance a permis, pendant plusieurs décennies, de justifier le rejet des soucoupes volantes et les analyses rationalistes les plus dures. Ceux qui dénonçaient la croyance irrationnelle dans les soucoupes démontraient leur rationalité en affichant leur conviction dans la panique wellesienne."
Et Lagrange de s’en prendre aux sociologues et psychologues pris dans "un vaste mouvement destiné à démontrer que les soucoupes ne sont rien d’autre qu’une aberration populaire, un phénomène psychosociologique."
"Ce sont les rationalistes qui sont superstitieux en croyant que la science, comme une amulette, va les protéger de tout contact avec la réalité et faire disparaître toute forme de risques. Ce sont les auditeurs de Welles et les amateurs de soucoupes qui ont compris que le monde est une expérience continuelle."
Commentaire personnel : pour Lagrange, ce sont les rationalistes qui ont propagé la rumeur. Ce n’est pas entièrement faux mais lorsqu’on se penche sur les propagateurs de "la rumeur rationaliste" qu’il cite, on n'y trouve en réalité qu’un seul rationaliste militant, l’astrophysicien Evry Schatzman (ancien président de l’Union rationaliste). Les autres sont des journalistes, des critiques de cinéma, etc. On voit dès lors tout le parti pris de l’auteur. Pourquoi, selon lui, les rationalistes ont-ils cru à cette panique ? Parce que les "Intelligents" se plaisent à croire que le peuple est naïf, crédule, ce que cette histoire illustrerait à merveille. Ceux-ci se seraient emparés de cette affaire pour en faire un exemple de la crédulité populaire. Lagrange renverse la perspective : ce sont plutôt les scientifiques et autres rationalistes qui ont fait preuve de crédulité. Lagrange choisi une approche qui, au lieu de tendre à dissoudre l’opposition caricaturale entre populaire et scientifique, en vient à inverser le sens de l’opposition. Les rationalistes et les scientifiques passent alors pour des imbéciles, plus bêtes encore que ceux qui pourraient croire en l’existence des débarquements de soucoupes volantes… Lagrange tente toutes les attaques indirectes qu'il peut pour essayer de discréditer les ufosceptiques.
- Deux petits extraits de son dernier livre, Ovnis : ce qu’ils ne veulent pas que vous sachiez" :
"La "Nouvelle Ufologie" n’a rien à voir avec l’entrée en science d’une partie de l’ufologie. Elle témoigne au contraire de la volonté de ne surtout pas transformer les ovnis en objet de science, mais de relancer la polémique sur leur existence. Il faut insister sur ce point : en se ralliant au discours sceptique, certains ufologues n’ont pas fait de l’ovni une question scientifique, ils ont simplement accentué la controverse en s’arrangeant pour que le débat soit général et sans fin. Jusqu’ici les ufologues étaient au moins d’accord sur l’existence d’un résidu de cas inexpliqués."
"L’histoire des soucoupes met aux prises, depuis le départ, des savants qui sont persuadés que l’opinion est le lieu de tous les comportements irrationnels et irresponsables. Et les rationalistes, désolé de devoir le dire, sont, au fond d’eux-mêmes, des millénaristes. Ils vivent constamment avec la conviction que la fin du « monde savant et occidental » est proche, que les barbares sont à nos portes et qu’ils se sont déjà glissés jusqu’au sein de ses institutions. Les zététiciens (autre nom que se donnent aujourd’hui certains militants rationalistes) ont finalement peu de pouvoirs mais, s’ils venaient à en acquérir, certains d’entre eux au moins pourraient très bien se transformer en une véritable police de la pensée scientifique aux relents de maccarthysme."
Commentaire personnel : l'hypothèse psychosociale (autrement dit le modèle explicatif sceptique sur les ovnis) serait infalsifiable selon Lagrange parce qu’"elle permet d’expliquer tout" en imaginant des facteurs psychologiques. Puis "quand il devient trop facile d’expliquer, on explique plus rien" (sic !). Expliquer des cas ayant résisté des décennies serait donc facile selon lui. Lagrange ignore surtout dans son raisonnement que les explications sceptiques des cas se fondent sur des hypothèses qui sont soit confirmées soit exclues au fil des vérifications successives (l’HPS est donc réfutable) et que lui-même n’a jamais cherché à vérifier... Qui est donc dans la facilité ? Les conseils sociologiques sont plus faciles à donner que ne le sont les actions d’investigation concrètes sur les ovnis ou les études validées scientifiquement (psychologie de la perception, effet physiques allégués,...) qu’il faudrait mener à bien…
Par ailleurs, les ufosceptiques ne nient pas l'existence d'un résidu de cas inexpliqués, ils montrent juste qu'il n'est pas d'une nature différente de la masse des cas qu'ils ont déjà expliqués. ____çççç____
=> Ces divers extraits confirment que l’ennemi numéro un de Pierre Lagrange c’est le rationalisme, ou la distinction entre croyance et science : nous sommes bien en pleine démarche postmoderne. Il défend implicitement une thèse préconçue (l’existence d’ovnis d’origine exotique en l’occurrence), le Lagrange sociologue se mettant pour cela au service du Lagrange ufologue, tout en s’en défendant soigneusement, par la multiplication de tours de passe-passe rhétoriques.