Ce texte fera partie d'un ouvrage écrit pour les 40 ans du CNEGU. Je vous le soumet ici.
Il concerne le PAN D de
Mirecourt (88), le 22 novembre 1989http://www.cnes-geipan.fr/index.php?id=202&cas=1989-11-01191
MIRECOURT (88) 1989
Observé le : 22-11-1989
Région : Lorraine
Département : Vosges
Classe : D
Résumé : MIRECOURT (88) 1989. Observation de deux cylindres superposés 10 fois plus grands qu'un avion rouges orangés et entourés de flammes. Aucun bruit détecté.
Description : Le 22 novembre 1989 vers 2 heures du matin une femme observe à sa fenêtre le passage rapide d'une forme ressemblant à deux cylindres superposés d'une longueur totale de 10 fois celle d'un avion. L'objet était rouge orangé et entouré de flammes. Aucun bruit n'a été détecté. Le témoin a réveillé son mari qui a pu constaté le phénomène. Le phénomène qui par certains côtés peut faire penser à une rentrée atmosphérique n'a pas été identifié
Compte-rendu : Aucun.
Mirecourt (88), 22 novembre 1989 : une rentrée atmosphérique méconnueL'analyse de ce cas illustre l'intérêt des relations de collaboration entre le milieu amateur (ici, le CNEGU) et professionnel (le GEIPAN). A la clef : la résolution d'un cas dit inexpliqué (PAN D) et une très probable rentrée satellitaire dans le ciel français, restée méconnue pendant près de 30 ans !
Présentation du casM. et Mme W. (respectivement 49 et 38 ans), originaires de la région de Nancy, ont emménagé dans une maison de l'avenue Gambetta à Mirecourt depuis 3 semaines. Durant la nuit du 21 au 22 novembre 1989, le couple se trouve dans sa chambre à coucher. De par son activité d'écrivain, Mme W. est éveillée tandis que son mari dort. Entre 2h00 et 2h15 du matin, elle voit soudain à travers la fenêtre de la chambre, qui n'a pas encore de rideau, un OVNI se déplaçant dans le ciel. D'abord surprise par ce qu'elle voit, elle réveille son mari en le secouant pour qu'il puisse voir le phénomène. Alors qu'il se réveille, elle se lève, ouvre la fenêtre et continue de suivre visuellement l'OVNI jusqu'à sa disparition, masqué par trois sapins situés à une dizaine de mètres de la maison. M. W. a eu juste le temps de voir la fin du phénomène.
Quelques instants plus tard, Mme W. téléphone à la gendarmerie de Mirecourt pour signaler les faits.
Au cours de la journée du 22 novembre, Mme W. contacte la presse locale, ce qui aboutit à la publication le lendemain de deux articles de presse, l'un dans
L'Est Républicain, l'autre dans
La Liberté de l'Est.
Le même jour, Mme W. dépose son témoignage en gendarmerie. M. W. est quant à lui entendu le 25 novembre.
Au cours de leur enquête, les gendarmes contactent plusieurs voisins du couple, à la recherche d'autres témoins, et ce sans succès. La publication des articles de presse n'a pas non plus permis d'en trouver d'autres. Les gendarmes ont également contacté l'aéroport de Juvaincourt, proche du lieu d'observation. Il s'est avéré qu'aucun vol en partance ou à destination de cet aéroport n'a eu lieu au moment de l'observation.
Aucun élément nouveau ne permettant de confirmer l'observation du couple W., les gendarmes clôturent leur enquête le 29 décembre 1989. Le dossier sera par la suite envoyé au SEPRA, qui classera le cas en PAN D, c'est-à-dire non identifié.
Le cas de Mirecourt fait partie des premiers cas mis en ligne sur le site du GEIPAN en 2007. Le cas reste classé en PAN D (1).
Données de l'observationLe lieu d'observation est la chambre à coucher du couple W., situé sur la facade sud d'une maison de l'avenue Gambetta à Mirecourt. Les trois sapins qui ont masqué l'OVNI en fin d'observation sont situés au sud-est, comme on peut le voir sur une photographie aérienne d'époque :
Pour s'assurer que les arbres entourés sont bien des sapins, j'ai pris soin de comparer avec d'autres photographies aériennes locales, notamment celles qui sont en couleurs et prises en hiver : seuls ces arbres restent verts, montrant qu'il s'agit de conifères.
D'après Mme W., la trajectoire de l'OVNI semblait provenir de Vittel et se diriger vers Charmes, c'est-à-dire globalement du sud-ouest vers le nord-est. Cette trajectoire était peu inclinée par rapport à l'horizontale.
Les témoins ne donnent aucune indication au niveau de la météo. Les archives montrent que les Vosges étaient alors situées entre deux dépressions, l'une centrée sur la Baltique, et l'autre sur le Golfe de Gasgogne (2). Il pleuvait sur le Benelux et le Nord de l'Allemagne, ainsi que sur la France, à l'exception du nord-est, où des bancs de brouillard étaient observés (3). Cela indique qu'il y avait très probablement des éclaircies au-dessus du nord-est.
Un cas enquêté par le CNEGUGilles Munsch, responsable des enquêtes de l'association Cercle Vosgien LDLN (Lumières Dans La Nuit), elle-même composante du CNEGU de l'époque, prend connaissance du cas par une lettre d'un membre du CVLDLN qui connaissait les témoins, lettre déposée au Cercle Léo Lagrange d'Epinal le 23 novembre 1989.
Gilles téléphone à Mme W. dès le lendemain, pour un premier récit et pour prendre rendez-vous. Il lui envoie également le jour-même deux questionnaires à remplir au plus vite pour éviter l'oubli.
L'enquête au domicile du couple W. est effectuée le 2 décembre 1989. Les azimuts donnés par Mme W. vont d'environ 200° pour l'apparition à environ 140° pour la disparition derrière les sapins. L'azimut de 200° est cependant sujet à caution : il était plus vraisemblablement d'environ 180° ou un peu moins du fait de la position de départ de Mme W., sur la gauche du lit. Cette petite erreur vient sûrement d'une reconstruction résultant de son déplacement à la fenêtre qui lui ouvrait davantage la vue vers le sud-ouest.
Francine Cordier, autre membre du CNEGU, a également pu rencontrer brièvement Mme W. à une autre date.
Il ressort des témoignages de M. et Mme W. une bonne cohérence avec la déposition en gendarmerie (dont les enquêteurs privés n'avaient pas connaissance), tant dans les discours que dans les dessins réalisés.
Au vu de la description de l'OVNI, les deux enquêteurs du CNEGU ont pu conclure à une très probable méprise avec une rentrée atmosphérique, sans pour autant trancher entre la piste naturelle (bolide) et artificielle (rentrée satellitaire).
Réouverture du dossier en 2018Au cours de l'année 2017, Jean-Paul Aguttes, directeur du GEIPAN, a décidé un passage en revue des vieux cas de PAN D dans la base de données du GEIPAN. Une revisite pour le moins efficace, puisqu'elle a permis le reclassement de 50 PAN D durant l'année 2017, sur un total d'environ 200, et ce grâce aux nouveaux outils informatiques créés au cours des dernières années (4).
Les revisites de PAN D ne se sont pas arrêtées après 2017, et c'est ainsi que le 26 janvier 2018, j'ai eu la bonne surprise de recevoir un mail de M. Aguttes me demandant un coup de main pour réétudier le cas de Mirecourt. Dans son mail, M. Aguttes m'a fait part de son hypothèse explicative : au vu de la durée du phénomène, il penchait pour une méprise avec une rentrée de débris spatial. Il s'étonnait toutefois de ne rien trouver dans le fameux catalogue de Ted Molczan, référençant les rentrées atmosphériques artificielles observées de par le monde, et ce depuis le début de la conquête spatiale (5).
Le lecteur pourra peut-être s'étonner du fait qu'un responsable du GEIPAN contacte un simple amateur au sujet d'un cas classé inexpliqué. Rien d'anormal à cela : depuis 2012, grâce à des contacts réguliers avec le précédent directeur du GEIPAN, Xavier Passot, j'ai pu aider au reclassement de plusieurs cas classés auparavant en PAN C ou en PAN D, avec notamment l'identification des rentrées atmosphériques du satellite Cosmos 250 le 15 février 1978 au-dessus du sud de la France (6) et de l'étage de fusée ayant servi à mettre sur orbite le satellite Raduga 22 au-dessus de la Polynésie le 22 octobre 1988 (7), ce qui a permis de reclasser deux PAN D. C'est pourquoi je continue à entretenir un excellent contact avec le GEIPAN et que je reçois de temps en temps des demandes de conseils (8).
Une rentrée atmosphérique, oui, mais de quel type ?On le voit, l'idée d'une rentrée atmosphérique pour expliquer le cas n'est pas nouvelle. D'ailleurs, même le GEIPAN évoque cette hypothèse dans son résumé du cas en ligne : "
le phénomène qui par certains côtés peut faire penser à une rentrée atmosphérique" !
Voilà un bien curieux PAN D : la définition même des PAN D par le GEIPAN est qu'ils "
correspondent à des enquêtes qui n'ont pas permis d'avancer une explication aux observations rapportées". Si le phénomène de Mirecourt fait penser par certains côtés à une rentrée atmosphérique, un classement en PAN B ou C aurait été plus logique. Mais nous ne polémiquerons pas plus sur ce point de détail.
L'hypothèse explicative d'une rentrée atmosphérique, notamment celle d'un débris spatial, étant posée, il convient de vérifier son degré de vraisemblance. Comme déjà dit, la description de l'OVNI est parfaitement caractéristique d'une rentrée atmosphérique : l'OVNI semble enflammé, il est accompagné d'une longue queue d'étincelles et se déplace un peu plus rapidement qu'un avion de ligne. L'ensemble de l'OVNI (cylindres, flammes et queue d'étincelles) se déplaçait de façon groupée. Le dessin de l'OVNI réalisé par Mme W. ne laisse aucun doute sur un phénomène de rentrée atmosphérique, qu'elle soit naturelle ou artificielle :
La seule étrangeté du cas repose sur le fait que Mme W. décrit l'OVNI comme étant constitué de "
deux cylindres (...) séparés par une bande noire, laissant penser qu'ils étaient solidaires l'un de l'autre". Voilà qui est assez peu banal, mais on a déjà pu voir comment des témoins de rentrées atmosphériques pouvaient décrire nombre de structures artificielles dans l'interprétation de ce qu'ils avaient vu.
Si l'hypothèse d'une rentrée atmosphérique pour ce cas ne fait pas de doute, sa nature exacte pose quant à elle question. La durée d'observation de vingt secondes avancée par Mme W. plaiderait largement en faveur d'une rentrée naturelle (bolide), alors que le dessin et la description de l'OVNI sont plutôt caractéristiques d'une rentrée artificielle.
Rappelons que la limite théorique entre une rentrée naturelle et une rentrée artificielle est d'environ une minute : en dessous de cette durée, la piste naturelle est à privilégier, alors qu'au-dessus de cette limite, la piste artificielle est la seule valable (9).
L'une des clefs de l'énigme repose donc sur la durée du phénomène. Mme W. dit avoir vu l'OVNI durant vingt secondes, ou un peu plus. Cette durée est un minimum, puisque rappelons que pendant le créneau d'observation, Mme W. a le temps d'être incrédule par ce qu'elle voyait ("
j'ai en un premier temps eu du mal à croire ce que je voyais, cela a pu durer environ 10 secondes"), de réveiller son mari en le secouant, d'observer l'OVNI en compagnie de son mari depuis son lit, puis de se lever et enfin d'ouvrir la fenêtre de la chambre pour voir l'OVNI disparaitre derrière des sapins. La durée de vingt secondes n'est vraiment donc qu'un minimum et ce d'autant plus que le champ de vision des témoins était limité par l'encadrement de la fenêtre de la chambre ! Le phénomène était déjà très certainement en cours au moment où Mme W. a repéré l'OVNI et a très probablement continué quelques instants supplémentaires après disparition de l'OVNI du champ visuel de Mme W. En l'absence d'un autre témoin ayant vu l’intégralité du phénomène, la durée exacte de ce dernier ne peut être connue, mais s'oriente a priori vers la fameuse limite d'une minute indiquant une rentrée artificielle.
L'avantage d'une rentrée artificielle est que cette hypothèse peut largement être vérifiable et ce quelle que soit l'année d'observation : il est en effet moins évident de vérifier la piste d'un bolide naturel sauf depuis ces dernières années, avec le développement des réseaux de surveillance dédiés (BOAM, FRIPON, etc).
Vérifier une rentrée artificielle n'est pas compliqué en soit, mais il faut disposer des outils nécessaires et bien entendu savoir s'en servir. Les rentrées atmosphériques artificielles sont référencées sur des sites comme Space Track (10). Il suffit alors de regarder les rentrées à la date que l'on cherche, de récupérer les derniers éléments orbitaux (appelés TLE, pour
Two Lines Elements) connus de ces objets, et de "traduire" ces TLE sur des logiciels spécifiques pour vérifier la position des objets à l'heure de l'observation voulue. Les logiciels de suivi de satellites n'indiquent pas où les satellites retombent, mais seulement leur trajectoire par rapport au sol. S'il s'avère qu'un débris spatial possède la même trajectoire apparente que l'OVNI à l'heure de l'observation, alors cela signifie qu'il est très probablement responsable de l'observation. Le logiciel qui sera utilisé ici est JsatTrak (11).
Vérification de l'hypothèse artificielleL'observation ayant eu lieu le 22 novembre 1989 vers 2h00 du matin heure légale française, c'est-à-dire le 22 novembre 1989 vers 1h00 TU, il convient de rechercher les rentrées atmosphériques aux dates des 21 et 22 novembre, car les rentrées atmosphériques ne sont connues qu'à quelques heures près lorsqu'elles sont incontrôlées (12). Une rentrée prévue par exemple pour la fin de la journée du 21 novembre pourrait ainsi n'avoir eu lieu qu'aux premières heures de la journée du 22 novembre.
Il ne peut en tout cas s'agir de la rentrée d'un débris issu d'un tir de fusée venant d'avoir lieu, car le dernier lancement à la date de l'observation a eu lieu le 18 novembre, avec le lancement du satellite COBE depuis la base de Vandenberg en Californie. Les deux suivants ont eu lieu le 23 novembre, avec d'une part le lancement de la navette spatiale Discovery embarquant le satellite militaire Orion 2 et d'autre part le lancement du satellite militaire soviétique Kosmos 2050 (13).
Space Track référence quatre rentrées en date du 21 novembre, et deux rentrées en date du 22 novembre. Sur ces six rentrées, une seule est classée "LARGE", impliquant le satellite Cosmos 2047. Les autres sont toutes des rentrées impliquant de tous petits débris ("SMALL") ne pouvant logiquement pas provoquer de rentrée atmosphérique remarquable.
Par acquis de conscience, j'ai quand même vérifié la position théorique de ces petits débris à l'heure de l'observation. Aucun d'entre eux n'était visible depuis Mirecourt : Cosmos 1461 deb pouvait être au-dessus de la Birmanie, Delta 1 deb au-dessus de l'Alaska, Thor Ablestar deb à l'extrême sud de l'Atlantique, Ariane 1 deb au-dessus de la côte ouest du Groenland et Solwind deb au-dessus du Golfe du Bengale.
Reste la piste de Cosmos 2047 qui s'avère, après vérification, plutôt intéressante :
Non seulement le satellite survolait théoriquement la France vers 2h00 du matin (heure légale) ce 22 novembre 1989, mais en plus sur une trajectoire sud-ouest / nord-est ressemblant beaucoup à celle supposée de l'OVNI. Mieux : cette trajectoire passait au sud de Mirecourt !
Mais quel était donc ce satellite Cosmos 2047 ? Il s'avère qu'il s'agissait d'un satellite militaire soviétique, lancé le 3 octobre 1989, appartenant à la classe des Yantar-4K2, aussi appelée Kobalt (14), d'une masse de six à sept tonnes (15). Il s'agissait donc d'un satellite espion prenant des photographies, les stockant sur des films qui étaient ramenés sur Terre à bord de capsules. Au cours de sa mission, Cosmos 2047 a très logiquement largué deux petites capsules, puis enfin un module de rentrée atmosphérique en fin de mission (16). Le reste du satellite, devenu inutile, était logiquement abandonné sur orbite jusqu'à sa retombée finale dans l'atmosphère, qui devait suivre peu de temps après car l'orbite était vraiment très basse : d'après les tables RAE (17), l'orbite de travail de Cosmos 2047 était de 167 x 333 km (18). Or, un détail d'importance apparait sur ces tables RAE : la rentrée de Cosmos 2047 était prévue pour le 21,9 novembre. Cette date peut apparaitre insolite, mais il faut savoir qu'en astronautique, il est de coutume de s'exprimer en fraction de jour, exprimée en heure TU. Ainsi, le 21,5 novembre signifie qu'il s'agit du 21 novembre à 12h00 TU. Le 21,9 novembre signifie donc que la rentrée était prévue pour la toute fin de journée du 21 novembre, aux alentours de 21h36 TU, soit 22h36 heure légale française. 3H24 seulement avant l'heure de l'observation, ce qui rentre logiquement dans les marges d'incertitude !
Une chose est sûre, Cosmos 2047 était encore sur orbite le 21 novembre 1989 à 16h54 heure légale française, puisqu'il s'agit de l'horaire des derniers TLE connus.
Une autre chose est sûre : le module de rentrée atmosphérique a été largué en toute fin de mission, puisqu'il n'a pas accompli une orbite entière avant son retour au sol. Comment le savoir ? Toujours d'après les tables RAE ! Seulement deux objets sont issus du lancement de Cosmos 2047, à savoir la charge utile et le dernier étage de sa fusée porteuse, ce dernier étant retombé le 6 octobre 1989. Aucun autre objet n'est référencé, ce qui signifie que les deux capsules de retour et le module de rentrée atmosphérique n'ont pas bouclé une orbite entière après leur largage.
Ce détail peut paraître insignifiant mais peut permettre de pousser plus loin l'hypothèse explicative. Cosmos 2047 étant un satellite militaire, qui plus est soviétique, je n'ai pas réussi à trouver l'heure exacte du largage du module de rentrée atmosphérique ni le lieu exact d'atterrissage. D'après quelques recherches sur internet, il semble que les modules de rentrées des satellites Kobalt étaient récupérés de préférence et peut-être exclusivement (?) dans le sud de l'Oural.
Partons du postulat suivant : en fin de mission, Cosmos 2047 passe sur une trajectoire l'amenant au-dessus de l'Oural, largue son module de rentrée atmosphérique et ce qui reste du satellite reste dans l'espace deux ou trois orbites supplémentaires, le temps de retomber dans l'atmosphère. Connaissant la position de Cosmos 2047 à 16h54, il est possible de faire défiler ses orbites pour voir à quel moment il survolait le sud de l'Oural et mesurer l'écart de temps avec le survol théorique de la France : si celui-ci est minime, l'hypothèse en sort renforcée.
A 16h54, Cosmos 2047 était à la verticale de l'île de Bornéo, sur l'équateur. Son orbite ne passait pas au-dessus de l'Oural, ce qui signifie que le largage du module de rentrée atmosphérique a très probablement eu lieu quelques orbites plus tard, le satellite se décalant vers l'ouest au fur et à mesure de ses révolutions autour de la Terre.
Il faut attendre seulement quatre orbites pour que Cosmos 2047 survole le sud de l'Oural, la zone de récupération présumée du module de rentrée atmosphérique. En toute logique, c'est à ce moment là que le module est largué. Point important : ce survol a lieu vers 23h00 heure légale française, c'est-à-dire à un horaire très proche de celui de la rentrée estimée ! Ce détail renforce fortement l'hypothèse d'une récupération du module dans la région de l'Oural !
Et ce n'est pas tout : ce survol intervient seulement 3 heures avant l'observation de Mirecourt, le temps nécessaire au module instrumental resté sur orbite, d'accomplir exactement 2 révolutions autour de la Terre. C'est peu, ce qui renforce l'hypothèse de la rentrée atmosphérique artificielle.
De plus, le largage du module de rentrée atmosphérique intervient très logiquement au moment du périgée, c'est-à-dire le point de l'orbite le plus proche de la Terre. Si le périgée était à la latitude du sud de l'Oural, c'est-à-dire environ 45/50° de latitude nord, cela signifie que le survol de la France deux orbites plus tard intervenait au périgée : c'est parfaitement logique avec l'hypothèse d'une rentrée satellitaire !
Le survol théorique de la France s'est effectué sur une ligne reliant Béziers à Colmar, il est possible de déterminer la hauteur angulaire théorique de la rentrée atmosphérique vue depuis Mirecourt, en partant du principe que si rentrée atmosphérique il y a, le satellite était situé entre 80 et 100 km d'altitude environ. La trajectoire de Cosmos 2047 passe à environ 120 ou 130 km au sud de Mirecourt, ce qui lui conférerait une hauteur angulaire d'environ 30 ou 40°, ce qui est très cohérent avec la configuration du lieu d'observation.
Pourquoi n'y-a-t-il pas d'autre témoin ?Un détail peut paraitre incohérent avec l'hypothèse d'une rentrée atmosphérique, puisque les bolides et les rentrées satellitaires sont généralement des phénomènes d'observation de masse : l'absence d'autre témoin que le couple W.
Deux raisons à cela :
- tout d'abord, l'horaire d'observation, en plein coeur de la nuit. Les gens dorment, les volets sont fermés, ce qui limite le nombre de témoins. D'ailleurs, rappelons que le couple W. venait d'emménager trois semaines plus tôt et que les rideaux n'avaient pas encore été installés aux fenêtres, sans quoi il n'y aurait sans doute pas eu d'observation !
- les données météo montrent que le seul le nord-est de la France était épargné par la pluie, avec néanmoins la présence de nombreux bancs de brouillard. De ce fait, le nombre de zones offrant une vue dégagée vers le ciel et la rentrée atmosphérique devait être limité. Combiné au nombre potentiel de témoins qui étaient éveillés et dehors ou avec une fenêtre ouverte, cela explique que peu de témoins ont pu voir le phénomène.
Ajoutons à cela que d'éventuels témoins ont pu interpréter le phénomène comme étant une simple étoile filante, sans caractère étrange.
Les conditions n'étaient donc pas réunies pour avoir une observation de masse. Il aurait même suffit que la chambre du couple W. soit située vers le nord ou que les volets soient simplement fermés pour que cette rentrée atmosphérique soit passée inaperçue !
ConclusionL'hypothèse explicative d'une rentrée atmosphérique pour expliquer le cas est très largement confirmée. La description de l'OVNI colle parfaitement avec une rentrée atmosphérique artificielle impliquant le module instrumental du satellite espion soviétique Cosmos 2047. Tout indique que celui-ci est retombé dans l'atmosphère deux orbites après avoir largué son module de rentrée atmosphérique contenant les films photographiques de sa mission.
Au vu de ces éléments, le GEIPAN peut aisément reclasser le cas en PAN A ou B.
Détail cocasse : l'observation a été classée PAN D par le SEPRA. Or, l'observation a eu lieu un an après la création du SEPRA, qui a succédé au GEPAN en novembre 1988. Rappelons que le SEPRA est l'acronyme de Service d'Expertise des Phénomènes de Rentrées Atmosphériques : ce service spécialement dédié au phénomène n'a donc pas réussi à identifier le phénomène à l'époque ! Ceci n'a rien de surprenant quand on sait que la rentrée atmosphérique observée à Nuku-Hiva le 22 octobre 1988 ne l'a pas été non plus : le SEPRA avait pourtant un dossier tout chaud au moment de sa création. Et l’on comprend mieux pourquoi moins d'un an après l'observation de Mirecourt, le SEPRA a commis autant de bourdes lors de la célèbre rentrée atmosphérique du 5 novembre 1990.
Notes :
(1) http://www.cnes-geipan.fr/index.php?id=202&cas=1989-11-01191
(2) http://www.meteociel.fr/modeles/archives/archives.php?day=22&month=11&year=1989&hour=0&type=ncep&map=0&type=ncep®ion=&mode=0
(3) http://www.infoclimat.fr/cartes/observations-meteo/archives/temps-observe/22/novembre/1989/00h/france.html
(4) http://www.cnes-geipan.fr/index.php?id=181&no_cache=1&tx_ttnews%5BbackPid%5D=211&tx_ttnews%5Btt_news%5D=214
(5) http://satobs.org/reentry/Visually_Observed_Natural_Re-entries_latest_draft.pdf
(6) http://www.cnes-geipan.fr/index.php?id=202&cas=1978-02-00485
(7) http://www.cnes-geipan.fr/index.php?id=202&cas=1988-10-01153
(8) certains ufologues s'amusent à répandre la rumeur selon laquelle le GEIPAN serait "noyauté" par les sceptiques. D'un point de vue personnel, je ne cache pas donner un coup de main au GEIPAN lorsqu'on me le demande, mais ce de manière ponctuelle. De plus, je ne fais que donner mon avis sur les cas demandés et il appartient au GEIPAN seul de valider ou non l'hypothèse explicative proposée. S'il s'agit là d'une partie du noyautage en question, je vous laisse imaginer la qualité des rumeurs répandues par ces mêmes ufologues.
(9) http://perso.numericable.fr/r.alessandri/rentrees/duree.html
(10) https://www.space-track.org/auth/login
(11) téléchargeable gratuitement ici : http://www.gano.name/shawn/JSatTrak/
(12) c'est-à-dire la très grande majorité des rentrées satellitaires, les rentrées contrôlées étant largement minoritaires : vaisseaux habités et quelques satellites.
(13) http://space.skyrocket.de/doc_chr/lau1989.htm
(14) http://space.skyrocket.de/doc_sdat/yantar-4k2.htm
(15)
Satellites espions, Histoire de l'espace militaire mondial, page 139, de Jacques Villain.
(16) https://www.kosmonavtika.com/satellites/yantar/hist/hist.html
(17) initiales du Royal Aircraft Establishment, qui publiait des catalogues astronautiques.
(18) http://www.satlist.nl/
EDIT : Suite à cette analyse, le cas a été reclassé PAN A par le GEIPAN en juin 2018.